La neuvième édition du Women’s forum a fermé ses portes vendredi 18 octobre, à Deauville, après trois journées d’échanges, de tables rondes, d’ateliers réunissant environ 1400 participant-e-s, de tous les continents, principalement des femmes occupant de hautes responsabilités dans de grandes compagnies internationales.
Le premier temps fort de cette édition aura été l’intervention, dans l’auditorium, de Najat Vallaud-Belkacem, venue annoncer que 2014 serait une année de mobilisation particulière en France, pour l’égalité professionnelle et que les contraintes législatives ne sauraient être contournées. La ministre des Droits des femmes en a profité pour rappeler à l’auditoire que “si les femmes étaient sur un pied d’égalité avec les hommes, en ce qui concerne l’utilisation de leurs talents, notre pays gagnerait un demi-point de croissance”. Elle a également souligné que “seulement 12% de la population active française travaille dans un secteur d’activité que l’on peut réellement considérer comme mixte”, avant de conclure sur la nécessité d’engager des réformes et d’innover, à commencer par l’éducation, pour tendre vers cette égalité.
Mais la rencontre la plus remarquée fut sans doute l’intervention de Paul Polman, président-directeur général du groupe Unilever et membre d’une commission onusienne ayant engagé une réflexion sur le développement mondial. Devant un auditoire médusé ou emballé, le grand capitaine d’industrie a notamment déclaré : “Nous, leaders du monde des affaires, devons coopérer pour créer, inventer un monde qui puisse fonctionner pour tout le monde, pour le bien de tous. Nous devons sortir de cette course trimestrielle aux résultats qui nous laisse à penser que le seul objectif de nos vies est de satisfaire nos actionnaires. Nous avons besoin de provoquer un virage vers un nouvel esprit de solidarité, de coopération et de responsabilités mutuelles.” Appelant les grandes firmes à accroitre leurs engagements sociétaux, bien au-delà de leurs politiques de sponsoring des associations, Paul Polman a terminé son propos en soulignant la nécessité d’avoir plus de femmes dans les entreprises, aux postes de direction, pour amorcer correctement ce virage indispensable.
L’édition 2013 de la conférence annuelle du Forum des femmes pour l’économie et la société était axée sur les tendances qui transforment tous les secteurs de l’économie, telles que l’innovation ouverte, les plateformes de collaboration, le crowd-funding, la co-création, l’apprentissage en ligne. Une large place était faite aux Droits humains et aux Droits des femmes en particulier, même si le mot féminisme semblait tabou dans l’enceinte du centre des congrès de Deauville. La Russie, avec bon nombre de représentantes d’organisations de la société civile, était à l’honneur.
Nous avons pu rencontrer la présidente du Women’s forum, Véronique Morali, juste avant la clôture de cette session, avec des jeunes bloggeuses venues de tous les continents. La présidente de Fimalac Developpement a souligné l’importance de repenser le forum, pour les dix années à venir, en songeant en particulier aux jeunes générations. Par le passé, la programmation donnait surtout la parole à des femmes et des hommes « confirmé-e-s », des expert-e-s. Cette année, un effort particulier a été fait pour inclure davantage de jeunes dans les ateliers et une place plus importante leur sera sans doute accordée dans le futur, pour engager davantage de jeunes femmes à prendre des responsabilités.
Véronique Morali a également répondu avec beaucoup de franchise à nos questions sur le féminisme et les droits humains. Sur le premier sujet, elle a clairement avoué la gêne du monde de l’entreprise par rapport à ce terme, synonyme dans l’histoire, de femmes qui rompent, parfois brutalement, avec les codes établis. “Il y a beaucoup de femmes ici présentes qui sont engagées pour promouvoir la place des femmes dans le monde de l’entreprise, pour l’égalité. Mais il est vrai que le mot féministe est difficile à porter pour beaucoup, et moi la première. Parce qu’il est peu accepté dans le monde de l’entreprise. Mais c’est surtout un problème de vocabulaire, de sémantique, plus que de fond.”
Sur la question des droits humains et des impacts concrets du Women’s forum sur ce terrain, la présidente de Fimalac Developpement a souligné que l’objectif de ce type de réunions était avant tout de créer un lien avec des femmes et des hommes engagé-e-s de ces pays, comme pour la Russie cette année. “Il est important de combattre les idées toutes faites, les clichés et les raccourcis, en faisant venir des femmes de ces horizons pour les écouter, les comprendre, offrir cette plateforme d’échanges directs, anticiper les changements à venir et accompagner celles qui le demandent comme elles le demandent.”
Pour conclure notre rencontre, la présidente du Women’s forum a tenu à souligner deux points : il est possible d’être entrepreneur-e et engagé-e, il ne faut jamais l’oublier ; et enfin, à une jeune bloggeuse qui lui demandait un conseil pour sa vie professionnelle, Véronique Morali a insisté sur la nécessité de rester authentique et en harmonie avec soi-même, en sachant que les aspirations évoluent au fil de la vie.
Dans quelques semaines, elle emmènera ses équipes à Rangoon où se tiendra le premier Women’s Forum asiatique, en Birmanie, les 6 et 7 décembre prochains, avec bien sûr la participation d’Aung San Suu Kyi. Le monde bouge à tous les étages. Et les femmes y sont pour beaucoup.
Py. G.
SOURCE : femmesenresistancemag.com
De Deauville à Rangoon, le Women’s Forum se démultiplie
La dixième édition du Women’s Forum débute aujourd’hui à Deauville.
La manifestation se déploie de plus en plus à l’international : São Paulo, Rangoon ou encore Dubaï.
Chaque année, les planches de Deauville deviennent un lieu de rencontre presque exclusivement féminin. Cette année encore, 1.300 participants (dont 20 % d’hommes) représentant 80 nationalités vont se retrouver à partir d’aujourd’hui pour la dixième édition du Women’s Forum.
Ce que l’on sait moins, c’est que le phénomène se répète ailleurs. A São Paulo, où le forum a déjà tenu deux éditions. En Birmanie, la patrie d’Aung San Suu Kyi où des femmes du pays et d’ailleurs se réuniront à Rangoon début décembre et à Nipito l’année suivante. Puis ce sera Dubaï, en 2015. Des villes ou des pays presque improbables. Des destinations qui résultent de rencontres ou de l’envie de partenaires désireux de recréer cette plate-forme sous d’autres cieux que ceux de la Normandie.
Le Mexique, par exemple, est demandeur. Il y a dans ce pays de graves problèmes de violence et d’éducation dont les femmes souhaitent débattre, mais aussi un besoin de faire reconnaître les femmes actives, professionnelles. « Les sujets dont nous discutons dépassent les questions des droits des femmes, observe Véronique Morali, présidente du Women’s Forum. Nous avons besoin d’écouter les femmes sur tous les sujets où elles s’impliquent professionnellement. » Rien n’a été engagé avec le Mexique pour l’instant, mais les équipes parisiennes caressent l’idée plus large d’un forum pour l’Amérique latine.
Renforcement des réseaux
L’internationalisation du Women’s Forum a pris racine il y a déjà plusieurs années. Créé par Aude de Thuin, le forum s’était déjà risqué en Chine et en Espagne. Mais, depuis le rachat de cette organisation par Publicis, et sous le leadership de Véronique Morali (depuis 2011), c’est devenu une stratégie de développement. « Nous visons cinq ou six forums par an dans les deux ans », explique Jacqueline Franjou, vice-présidente exécutive du Women’s Forum.
Avec une petite équipe d’une douzaine de personnes, épaulée par des stagiaires et par des partenaires fidèles (Bain, Renault, Pepsi, Sanofi, Bred, Total, etc.), sont mis sur pied des forums dont la formule varie à chaque fois. « Il y a trois ans, nous avions reçu une délégation de brésiliennes,raconte Jacqueline Franjou. Elles ont apporté tant de fraîcheur et de joie de vivre qu’on s’est dit qu’il fallait faire un forum là-bas ! » Ces manifestations sont de taille plus réduite (200 femmes au Brésil la première année, 600 la deuxième), avec un « mix » d’invités et de partenaires minutieusement équilibré entre ceux du pays d’accueil et les étrangers. Le contenu est aussi taillé sur mesure. Beth Brooke, la « global vice-chair » d’Ernst & Young, a été reçue en star à São Paulo. « M aintenant, nous voudrions l’élargir à d’autres régions, comme l’Amazonie par exemple », indique Adriana Moreira, de la Banque mondiale. Pour elle, « le voyage à Deauville a renforcé nos réseaux. D’ailleurs, les membres de notre délégation ont peu après créé un groupe pour le développement durable au Brésil ».
Ces forums peuvent coûter entre 600.000 et 700.000 euros, la variante étant liée à l’hôtellerie et aux voyages. A Dubaï, en 2015, l’idée sera de développer la manifestation comme une franchise.
Pour la Birmanie, l’idée est née lors d’un dîner autour d’Aung San Suu Kyi au musée Marmottan à Paris. L’ambassade de France a accepté de prêter main forte. A Rangoon, les 6 et 7 décembre, Laurence Parisot, l’ancienne patronne du Medef, rencontrera des femmes chef d’entreprise. Anne Lauvergeon, qui a déjà été au forum brésilien, viendra également parler innovation. L’écrivaine Irène Frain échangera sur la culture. Une délégation de femmes africaines sera reçue, tout comme des Sud-Africaines s’étaient rendues au Brésil.
« Les femmes des pays émergents peuvent réellement influer sur la situation économique de leur pays, assure Jacqueline Franjou. Si, comme en Birmanie, on les met dès le départ dans le cercle économique et politique, l’intégration va se faire vite, on n’aura pas besoin de quotas. »
Virginie Robert
SOURCE : Les Echos