Travailleurs migrants : la dure réalité de la séparation des familles
La séparation à long terme des membres de la famille est devenue la principale raison pour les travailleurs migrants de songer à quitter leur emploi, d’après une récente enquête. Ce qui représente un défi majeur pour les entreprises de pouvoir maintenir une main-d’œuvre stable et efficace.
Le sondage, publié jeudi, accuse également les entreprises d’un manque de prise de conscience par rapport à ce problème et d’un soutien insuffisant envers leurs salariés.
Plus de 40% des travailleurs migrants ont déclaré avoir quitté leur emploi au moins une fois pour des raisons familiales.
Les principales raisons invoquées : pouvoir prendre soin de leurs enfants, se retrouver auprès des membres âgés de la famille et de passer un moment avec leurs conjoints.
L’ enquête a été menée par le Centre pour les droits de l’enfant et la responsabilité sociale de l’entreprise, une structure sociale basée à Beijing, en collaboration avec une ONG au service des travailleurs migrants.
Environ 1500 salariés et membres du staff de neuf usines des municipalités du Delta de la rivière des Perles et de Chongqing ont été interrogés l’an dernier. L’ambassade de Suède en Chine ayant parrainé l’étude.
Plus de 80% des travailleurs migrants qui ont dû laisser leurs enfants dans leur village d’origine ont estimé qu’ils avaient échoué dans leur rôle de père.
Environ 70% des sondés, éprouvent un fort sentiment de culpabilité et d’anxiété à la suite de la séparation des familles et ont également des difficultés à communiquer avec leurs enfants après de longues séparations.
Hu Xuexiu, une employée migrante de 38 ans originaire de la province du Hunan, a confié qu’elle se sentait actuellement si seule, sa fille qu’elle a laissé derrière «en arrière» lui manque beaucoup. Hu travaille dans une usine d’électronique à Zhuhai, la province du Guangdong.
Elle a déjà plusieurs fois envisagé de quitter son emploi pour être avec sa fille, qui est au lycée.
La Chine compte plus de 61 millions d’enfants laissés en arrière par les travailleurs migrants, soit un enfant sur cinq de moins de 18 ans vivant séparément de leurs parents, selon la Fédération nationale des femmes chinoises.
Cette situation a fait des ravages non seulement par rapport aux relations parents-enfants, mais aussi sur la performance des travailleurs migrants dans les usines.
Plus de la moitié des sondés ont avoué un manque de concentration ou par moment d’être moins attachés à leur travail. Une personne sur trois a reconnu avoir fait des erreurs dans le travail, le fait de se soucier du bien-être de leurs chérubins.
L’étude a également révélé que les travailleurs migrants avaient choisi de laisser leurs enfants en arrière, en raison d’un manque de revenu, de difficultés à trouver des écoles convenables et des horaires de travail chargés qui ne leur laissaient pas le temps d’être avec leurs enfants.
Le hukou, le système d’enregistrement des ménages signifie que beaucoup d’enfants de travailleurs migrants ne peuvent pas jouir des mêmes droits pour l’éducation, les soins de santé et autres services sociaux dans les villes.
De nombreux employés migrants envisagent de retourner chez eux pour être réunis avec leurs familles, s’ils pouvaient y trouver un emploi.
Ces constats peuvent aider les entreprises à mieux s’acquitter de leurs responsabilités sociales, à l’heure où une pénurie de main-d’œuvre a émergé dans plusieurs zones du pays, a indiqué le rapport.
Hu Xuexiu a suggéré que les entreprises fassent davantage pour aider les travailleurs migrants à résoudre leurs problèmes familiaux, comme par exemple la mise en place d’horaires flexibles dans le travail pour ceux qui ont des enfants, ou proposer des centres d’activités où les bambins peuvent faire leurs devoirs ou participer à des activités parascolaires.
Pour Li Tao, le directeur du centre social de développement du travail, la branche d’une ONG à Beijing «La plupart des entreprises interrogées se sont peu préoccupées des défis auxquels les parents migrants sont confrontés, y compris les pressions économiques et les barrières de communication de la famille.
«Mais ils ont convenu que ces problèmes pouvaient avoir une répercussion sur leur entreprise».
Le responsable a souligné que la majorité des sociétés n’avaient pas de stratégies de soutien dans leurs plans de responsabilité sociale à destination des travailleurs migrants qui ont des enfants.
Liu Kun, porte-parole du géant de l’électronique Foxconn Technology, a déclaré que les difficultés recontrées par les travailleurs migrants qui intègrent les villes devaient être traitées dans l’urgence, mais une situation qui ne pourra pas être réglée simplement par les entreprises.
En soulignant, que sans les efforts des gouvernements dans les villes d’accueil pour éliminer les obstacles, y compris le hukou et les inégalités dans l’accès aux services publics, la bonne volonté des entreprises aura peu de poids.
Zhang Yi, directeur adjoint de l’Institut de sociologie de l’Académie chinoise des sciences sociales, a pour sa part fait remarquer que les entreprises pourraient jouer un rôle positif dans la création d’un environnement familial pour les employés migrants, en proposant notamment des dortoirs pour les couples et des jardins d’enfants.
SOURCE : le Quotidien du Peuple