INCENDO
Sur le rapport entre genres & classes. Revue de presse & textes inédits
Repenser l’oppression des femmes
Categories: Débats & Critiques

Le Vieil homme et l'enfant. Claude Berri 1966 03

Trouvé sur le site Période.

L’oppression des femmes pourrait n’être ni le résultat du « patriarcat » ni dans l’intérêt fondamental du capitalisme. C’est le présupposé qu’avancent Brenner et Ramas, ainsi que la cible de leur puissante critique, Michèle Barrett. Pour cette dernière, l’oppression des femmes est le produit d’une idéologie bourgeoise, façonnant la subjectivité des classes populaires et favorisant la division salariale entre hommes et femmes. Pour Brenner et Ramas, cette explication ne tient pas la route. Mais il faut faire un détour pour expliquer l’oppression des femmes : comprendre comment la reproduction biologique et le travail industriel ont dégradé le rapport de force entre hommes et femmes au bénéfice des premiers. Le défi théorique de l’oppression des femmes nécessite une réponse dialectique, aux antipodes du fonctionnalisme. Une telle approche permet d’identifier l’État-providence et le combat pour la socialisation du soin aux personnes dépendantes comme le nœud du problème et, dès lors, du combat féministe.

La dernière décennie a connu un foisonnement extraordinaire d’analyses et de débats marxistes-féministes. L’ouvrage récent de Michèle Barrett, Women’s Oppression Today, est une tentative ambitieuse de présenter et de synthétiser ces recherches. Par le biais d’un dialogue avec les courants les plus influents de la pensée socialiste-féministe, Barrett cherche à élaborer, sans réductionnisme ni idéalisme, une analyse marxiste du rapport entre l’oppression des femmes et l’exploitation de classe au sein du capitalisme. En ce sens, le projet de Barrett s’intègre non seulement à celui du féminisme marxiste, mais aussi aux réévaluations contemporaines de l’ensemble de la théorie marxiste, qui accordent une importance renouvelée à l’idéologie, à l’État et à la lutte des classes. Deux interrogations théoriques se sont trouvées au cœur des débats marxistes-féministes de la dernière décennie.

  1. Dans quelle mesure l’oppression des femmes se construit-elle indépendamment des opérations générales de la production capitaliste ?
  2. Dans quelle mesure l’oppression des femmes se situe-t-elle au niveau de l’idéologie ? Barrett identifie le dilemme central que son analyse visera à dépasser. Elle soutient que les approches marxistes-féministes tendent vers le réductionnisme car elles présupposent, comme les théories du travail domestique, que l’oppression des femmes, en tant que partie intégrante du capitalisme, ne peut avoir de détermination indépendante. Il est impossible de montrer de façon convaincante que la reproduction privatisée, fondée sur le travail domestique, puisse offrir au capital les moyens de reproduire la force de travail au coût le plus faible. En outre, le fait de voir ce système de reproduction comme un effet ou une condition des rapports de classe capitalistes ne permet pas d’expliquer pourquoi ce sont les femmes qui demeurent à la maison ni de prendre en compte la domination des femmes par les hommes au sein de la classe ouvrière. Les théories de type marxiste débouchent naturellement sur une stratégie politique qui dissout la lutte pour la libération des femmes dans la lutte des classes : la position sociale des femmes exprime leur exploitation par le capital, plutôt qu’une relation de dépendance et d’impuissance vis-à-vis leur mari et leur père.

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