Les origines de Wonder Woman : bondage et féminisme
Un trio polyamoureux, du bondage, et un culte féministe new wave avant l’heure, sont quelques éléments de l’histoire derrière la création de l’héroïne américaine.
L’apparition soudaine de Wonder Woman dans le tout récent “Batman vs Superman” est une des plus belles surprises du film. Gal Gadot nous offre une amazone musclée, triomphante et perspicace, plus proche peut-être de Xena et de l’idée qu’on se fait des anciens gladiateurs que de l’héroïne colorée en mini-short étoilé des années 40s.
Malgré son inéluctable sexualisation, le personnage de Wonder Woman est passé dans la culture populaire américaine comme une icône féministe : il s’agit d’une des premières et des plus populaires héroïnes de comics, et forme avec Superman et Batman, la triade à succès de DC Comics. La parution de ses aventures, à l’exception d’une brève période en 1986, est depuis 1942 ininterrompue. Et pourtant, on parle peu des origines avant-gardistes qui ont donné naissance à la Princesse amazone, jusqu’à récemment.
Le créateur de Wonder Woman, William Moulton Marston, est l’inventeur du polygraphe. Il vit également une relation polyamoureuse avec son épouse Elizabeth Holloway, et avec Olive Byrne (nièce de Margaret Sanger — une des premières activistes féministes américaines, militante du birth control), une de ses anciennes étudiantes. Nous sommes aux Etat-Unis. Nous sommes dans les années 40s. C’est d’ailleurs de ses deux compagnes et de Margaret Sanger, que Marston se serait inspiré pour créer la Princesse Diana Prince.
La résidence Marston est en avance sur son temps, non seulement pour cette relation polyamoureuse, mais c’est aussi Holloway, éditrice, épouse sur-diplômée à une époque où les femmes ne poursuivaient que très rarement des études supérieures, qui soutient financièrement le foyer. Le trio se partage le soins de leurs quatre enfants, à qui ils cachent pourtant la nature exacte de leurs relations.
Si Marston semble avoir forcé la main de Holloway au début pour accepter cette relation polyamoureuse, après la disparition de celui-ci en 1954, les deux femmes continueront d’habiter ensemble et ce pendant plus de quarante ans.
Marston, Holloway et Byrne, partagent une vision du féminisme assez surprenante : la femme est en définitive un être supérieur à l’homme, elle est plus pure, elle est meilleure. La femme est cependant, par nature, soumise, et une bonne femme est une femme qui se soumet. Le trio se livre à des sortes de cultes sexuels dès les années 1925 et 1926 où les participants célèbrent le pouvoir sexuel de la femme, sa domination et sa soumission.
Cette vision du féminisme se traduit par un intérêt pour le bondage, très visible d’ailleurs, et ce de manière récurrente, dans les premiers comics de Wonder Woman. Marston défendait la normalité de cette pratique sexuelle, qu’il appréciait à la fois par sa portée érotique et de par la métaphore qu’elle offrait de la position de la femme dans le monde : la femme est attachée, ligotée, mais une fois libérée, elle viendra conquérir le monde.
Concernant la création de Wonder Woman, Marston disait : “Les filles ne veulent pas être des filles, puisque les archétypes qui leur sont proposés manquent de force et de pouvoir. Ne voulant pas être des filles, elles refusent d’être soumises et tendres, éprises de paix, comme le sont toutes les femmes exemplaires. Les qualités de toutes les femmes deviennent repoussoir à cause de la faiblesse de ces dernières. La solution logique est de créer un personnage féminin qui puisse combiner la force de Superman et l’allure d’une belle et bonne femme.(** texte original plus bas)”
Malgré cette vision amiguë du féminisme qui lui a donné naissance, Wonder Woman va en effet se révéler comme une icône féministe : une héroïne aussi forte et aussi intelligente que ses paires masculins. Dès sa parution, elle connaît un succès immédiat auprès des petits garçons et des petites filles, et en dépis des changements de costumes au fil des périodes, plus révélateurs ou plus pudiques selon les décennies, les valeurs qu’incarne Wonder Woman l’immortalisent comme une des premières et des plus populaires figures féminines et féministes dans la culture populaire américaine.
Si les idées que défendendaient Marston, Holloway et Byrne, allaient moins dans le sens de l’égalite entre les sexes que vers un culte ambivalent de la femme et de sa sexualité, le caractère avant-gardiste de leurs réflexions surprend encore aujourd’hui.
Puisque la problématique du manque de figures féminines positives et fortes dans la culture populaire et les médias reste fortement d’actualité, on ne peut, il me semble, qu’attendre avec impatience la sortie prochaine du film de Wonder Woman en 2017.
** Not even girls want to be girls so long as our feminine archetype lacks force, strength, power. Not wanting to be girls they don’t want to be tender, submissive, peaceloving as good women are. Women’s strong qualities have become despised because of their weakness. The obvious remedy is to create a feminine character with all the strength of Superman plus all the allure of a good and beautiful woman.
SOURCE : www.barbieturix.com