En Indonésie, un peuple reconnaît cinq genres différents
Dans la société bugis, les makkunrai, les oroani, les calalai, les calabai et les bissu correspondent à cinq façons d’être au monde.
Une culture unique. À Célèbes, une île du nord de l’Indonésie, un peuple reconnaît cinq genres distincts au sein de sa société. Appelés les Bugis, ils sont le plus grand groupe ethnique du sud de l’île. Même s’ils ne représentent que six millions des 270 millions d’habitants du pays, les Bugis sont très influents, politiquement, économiquement et culturellement. Mais c’est avant tout leur organisation inédite de la société qui fait parler d’eux.
«Les Bugis ont des mots pour désigner cinq genres, qui correspondent à cinq façons d’être au monde», explique à la BBC Sharyn Graham Davies, anthropologue à l’université Monash à Melbourne. Il y a les makkunrai, les oroani, les calalai, les calabai et les bissu. Les deux premiers genres correspondent aux concepts occidentaux de femme cis et d’homme cis, détaille l’anthropologue.
Les calalai, eux, naissent avec un corps de femme, mais assument des rôles traditionnellement masculins: ils peuvent porter des chemises et des pantalons, fumer des cigarettes, avoir les cheveux courts et exercer des métiers manuels. À l’inverse, les calabai sont nés avec un corps d’homme mais ont des rôles féminins, portent des robes et du maquillage et ont les cheveux longs. «De nombreux calabai travaillent dans des salons de beauté, précise Neni, un calabai du village de Segiri. Nous aidons également à planifier les mariages et nous nous produisons lors des cérémonies.»
Une conception qui se heurte à la religion
Le cinquième et dernier genre est le bissu. Ni féminin ni masculin, ces personnes incarnent le pouvoir des deux à la fois et sont considérées comme des être spirituels, rapporte la BBC. «On dit que lors de leur descente du ciel, les bissu ne se sont pas divisés pour devenir des hommes ou des femmes, comme la plupart des gens, mais sont une union sacrée des deux», indique Sharyn Graham Davies. Les bissu, qui ont également un rôle de chaman, sont reconnaissables grâce à leurs habits: ils portent souvent des fleurs, un symbole traditionnellement féminin et le poignard keris, associé aux hommes.
Si les calabai et les calalai sont largement acceptés, voire considérés comme ayant un rôle important depuis le milieu du XXe siècle, l’ensemble de la société indonésienne est moins tolérante sur la question de la non-binarité du genre, explique l’article de la BBC. À partir des années 1950, la communauté LGBT+ a d’ailleurs subi une vague d’attaques violentes. La conception du genre des Bugis se heurte également à l’islam, la religion majoritaire. Par exemple, de nombreux calalai et calabai sont partagés entre le fait que leur style de vie et leur sexualité sont des péchés et qu’ils sont comme ils sont parce qu’Allah l’a voulu, analyse l’anthropologue.
«Les bissu, calalai et calabai connaissent beaucoup de stigmatisation et de discrimination, qui augmentent malheureusement en même temps que l’affirmation de l’islam politique, affirme Sudirman Nasir, un Bugi qui travaille dans le domaine de la santé publique dans la province de Sulawesi Sud. L’avenir de ces personnes persécutées n’est pas très prometteur.»