Tract distribué par le groupe Les Femmes Maudites le jour de la Fête des Mères en 2003 à Avignon.
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Ni mère au foyer ! Ni salariée !
Le système capitaliste, vaste machine à exploiter les hommes sous prétexte de progrès, n’a pas oublié les femmes.
Et comment pourrait-il les avoir oubliées alors qu’elles constituent, à ses yeux, la plus belle armée de réserve jamais imaginée, la plus invisible, la moins revendicatrice, la plus malléable et consciencieuse ?
Comment ne pas profiter des fruits d’une éducation qui leur a retranché le droit à la parole, leur a dénié un rôle actif dans l’histoire, les a amenées à observer le silence (ferme ta gueule, tais-toi et travaille !) ?
Le travail des femmes sert largement le système capitaliste puisqu’il peut piocher allégrement dans cette armée de réserve et la sous-payer. Par ailleurs, il perpétue la domination en instaurant non seulement une inégalité salariale selon le sexe, mais aussi des ghettos d’emplois féminins.
En lui présentant le travail comme la clef de son émancipation qui lui permettrait de mieux choisir sa forme de vie, l’intégration au modèle dominant, pour lequel un individu est assigné à une fonction, un usage, s’est faite en douceur.
Par l’argument fallacieux de la libération des femmes et par l’illusion de son entrée dans la sphère publique, le travail est devenu la nouvelle caution d’existence qui n’est plus qu’économique, et s’est constitué comme une fin en soi.
Les Femmes Maudites emmerdent les femmes qui clament leur féminisme tout en intégrant le modèle masculin et en limitant leurs revendications à de meilleures conditions de travail, à une parité numérique, à des revendications salariales. Accepter cela revient à ne plus considérer le travail comme une aliénation du corps et de l’esprit, comme un conditionnement social, comme synonyme d’esclavage. Rien humainement ne justifie un système basé sur l’argent et le travail.
En devenant des travailleuses salariées les femmes sont devenues les rouages d’une machinerie sociale créée par les hommes. Elles sont passées d’une domination à une autre, de celle du mari à celle du patron, d’une exploitation à une autre, de celle du foyer à celle de l’entreprise. Elles ont acceptés et se sont appropriées les codes de la virilité avec la promesse sociale par l’effort, la compétition, la rentabilité, l’opportunisme, l’individualisme.
C’est ça l’émancipation ?
En travaillant de plus en plus, en consommant de plus en plus, la femme pérennisent le système capitaliste qui fait des individus des êtres flexibles, sur-médiatisés, sous-conscientisés, sédentaires dans leurs références théoriques mais mobiles dans leurs capacités d’exploitation. La femme ne pourra en aucun cas s’affranchir à l’intérieur de ce système. Le patriarcat et le capitalisme doivent être différenciés (la domination des hommes sur les femmes a existé bien avant le capitalisme), mais combattus de front.
Ni l’intégration du/au modèle masculin par l’égalité économique, ni l’instauration d’un modèle matriarcale à l’intérieur du système capitaliste ne peuvent représenter des solutions satisfaisantes. Seule la destruction totale de ce système fondé sur l’argent et le travail créé par les hommes pourra libérer les femmes de l’emprise masculine.
BOOM
Les Femmes Maudites
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Les Femmes Maudites était un « groupe féministe et anti-capitaliste radical non-mixte, né au printemps 2003 à Avignon » (Silence, n° 305-306, janvier 2004, p. 70).