INCENDO
Sur le rapport entre genres & classes. Revue de presse & textes inédits
La famille sens dessus dessous ?

Sur la reproduction de la force de travail au XIXe siècle

 

 

 

 

 

L’industrialisation plus ou moins galopante que connaissent certains pays européens au XIXsiècle 1 entraîne un bouleversement de l’unité familiale « traditionnelle » et du rôle et de la place des femmes*. Mais cette évolution est tumultueuse car le capitalisme* est face à un problème : il a besoin d’ouvrières, de femmes au foyer (assurant le travail domestique) et de nouvelles générations d’ouvriers. Les patrons vont alors quelque peu tâtonner, expérimenter, pour tenter de résoudre cette épineuse question.

 

 

Famille et travail précapitaliste

Sous l’Ancien Régime, la notion de famille est bien différente d’aujourd’hui. On parle généralement de famille « élargie » qui englobe toutes les personnes vivant sous un même toit, avec ou sans lien de parenté (les domestiques en font partie, les enfants de voisins qu’on élève, etc.). Mais la famille nucléaire existe déjà. Les enfants, quant à eux, sont longtemps considérés et traités comme des adultes en miniature (la notion d’enfant n’apparaît que progressivement à partir du XVIIIe siècle).

A cette époque, la population est très majoritairement rurale et paysanne. La famille est une unité de reproduction mais aussi une unité de production agricole (principalement pour l’autoconsommation). Il est difficile d’établir une distinction claire entre les deux, la production servant majoritairement à la reproduction. Les tâches sont réparties de manière sexuée (les femmes s’occupent par exemple du bétail et les hommes* des champs). Les femmes assurent donc une part de la production : elles filent, cousent des vêtements, fabriquent des bougies, cultivent le potager, élèvent la volaille, vendent leur production au marché, etc. 2 Leurs activités, indispensables à la survie et complémentaires de celles des hommes, ne sont pas dévalorisées (bien que sous l’autorité du chef de famille).

Mais il n’y a pas que des paysannes. Au Moyen Âge, les femmes exercent quelques métiers (dans le cadre des corporations) (travail de la soie, fabrication de vêtements, etc.). Au XVIIIe siècle, nombre de femmes peuvent exercer un métier de façon indépendante. S’y ajoutent de nombreuses activités à la campagne (elles peuvent se louer comme journalier), autour des villes (souvent comme nourrices et ce jusqu’au XIXe siècle) ou dans les villes (petites commerçantes, charretières, marchandes ambulantes, tenancières de pension, blanchisseuses, etc.).

A la fin du XVIIe siècle, l’industrie rurale à domicile se diffuse (notamment le métier à tisser). Le processus de proto-industrialisation, qui se greffe sur l’unité domestique agricole (complément nécessaire des premières fabriques), s’appuie sur et renforce la sexuation* du travail agricole existant (par exemple filage pour les femmes, tissage pour les hommes) 3. Les marchands-fabricants tirent ainsi profit de la soumission des femmes et des enfants pour leur faire accomplir les travaux les plus ingrats qui sont aussi les moins bien payés. Les hommes répugnent alors à travailler dans les premières fabriques « et la jeune fille qui va à la fabrique vendre sa force de travail a le même statut que celle qui vend son corps : jamais un véritable compagnon ne la prendra pour épouse » 4.

 

Vers l’usine

Au début du XIXe siècle, nombre d’ouvriers de métier détiennent un savoir-faire (travail manuel), et affirment une identité sociale forte. Beaucoup d’entre eux (tailleurs d’habits, charpentiers, maçons, canuts, etc.), essentiellement dans les grandes villes comme Paris ou Lyon, sont acquis aux nouvelles idées socialistes et tentent de les concrétiser par la violence (1830, 1831, 1848). Le prolétariat* commence à se constituer en tant que classe*.

Néanmoins, une partie des « ouvriers » reste aussi des paysans (à mi-temps/journaliers/migrants temporaires) et en conservent la mentalité (le travail industriel n’est qu’un moment, un appoint notamment l’hiver). D’où une forte instabilité de la main-d’œuvre, très gyrovague, et un fort turn over. Si cette situation peut convenir dans un pays de petites entreprises, elle est inadaptée au développement de la grande entreprise (difficulté de gestion, production perpétuellement désorganisée) et le patronat va tenter de stabiliser un noyau fixe d’ouvriers 5.

L’industrialisation croissante de la première moitié du XIXe siècle (notamment du filage et du tissage) entraîne une forte demande de main-d’œuvre. De nombreux artisans ou travailleurs à domicile, ruinés par l’obsolescence de leur mode de production 6, rejoignent le prolétariat urbain. « La vapeur, dès son apparition dans le monde de l’industrie, a brisé tous les rouets, toutes les quenouilles et il a bien fallu que fileuses et tisseuses s’en vinssent réclamer une place à l’ombre du haut fourneau de l’usine 7. » La misère qui s’installe dans les campagnes entraîne un déplacement de populations vers les villes. Les hommes font bien souvent en usine le travail qu’effectuaient leurs femmes au foyer 8 ; presque toutes les productions qui jusqu’alors avaient été féminines passent aux mains des hommes. Mais femmes et enfants ne tardent pas à les rejoindre 9 ; la ville a sans cesse besoin de main-d’œuvre et peine parfois à la trouver car de nombreux hommes « se détournent de ce travail humiliant de la caserne industrielle » 10. Il en va de même de l’autre côté de la Manche où Robert Owen note que « tous ceux des paysans écossais qui savaient filer et tisser répugnaient également à l’idée de travailler tous les jours de grand matin et jusqu’à une heure avancée de la nuit, enfermés dans une fabrique ».

L’industrie du textile et de la confection, la plus dévorante de main-d’oeuvre avec près d’un million de travailleurs en 1847 11, va donc massivement embaucher des femmes et des enfants (les fillettes sont très appréciées pour leur vitesse et leur habileté). Mais les travailleuses sont présentes dans diverses industries (chaussure, porcelaine, mines, briqueterie, fabriques de chandelles, poudreries, etc.). Dans les années 1847-1852, c’est dans les branches industrielles ayant connu un développement récent que l’on trouve les proportions les plus élevées de femmes et d’enfants (papier, sucre de betterave, conserverie, etc.) 12. Elles y effectuent parfois les travaux que n’acceptent pas les hommes 13.

Avec la séparation entre le lieu de production (l’usine) et le lieu de reproduction (le foyer), la séparation entre les travailleurs et les moyens de production, la rupture avec le monde rural s’accélère.

 

Consequences sur les salaires et antagonisme travailleurs/travailleuses

Sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) se développe un deuxième prolétariat, surtout provincial, dans les nouvelles usines, les mines ou les chantiers de chemin de fer. Il est caractérisé par son hétérogénéité (femmes, enfants, étrangers) et souvent jugé comme peu qualifié, sous-alphabétisé, moins organisé et à capacité de résistance médiocre. Ils peuvent être employés plus facilement dans les industries soumises aux transformations techniques (mécanisées) où la qualification et la force physique nécessaires sont moindres (cela permet aussi de diminuer les salaires) 14.

Le mode de production capitaliste tire profit de la situation d’infériorité des femmes dans la famille pour leur donner des salaires plus faibles, dépréciant ainsi leur travail (quelle qu’en soit la complexité).

« Dans ce tourbillon où tout semble bouleversé, la machine prend la place de dix hommes, ou davantage, qui prennent la place de dix femmes ailleurs, et ces dix femmes réduites à la misère accepteront à leur tour de prendre la place d‘un homme, à plus bas prix. […] Mais une règle devient intangible, qui explique tous ces chassés-croisés : la femme est et doit rester inférieure, par conséquent elle recevra un moindre salaire et sera affectée aux besognes secondaires 15»

Cette différence est justifiée par divers arguments : la faiblesse physique des femmes, leurs moindres besoins, leur manque de formation, l’abondance de cette main-d’œuvre, etc. Mais, le plus important est que le salaire des femmes est considéré comme un salaire d’appoint. Le salaire des hommes est censé assurer leur survie et celle des membres de leur famille 16. Si les femmes sont isolées, ce salaire leur permet à peine de survivre. C’est à cette période que s’entérine leur dépendance 17. Donner aux femmes un salaire égal à celui des hommes est donc inutile 18.

 

Travail des femmes, cycle de la vie familiale

Au cours de leur vie, nombreuses sont les femmes qui passent d’une activité à une autre (travail salarié, à domicile, activités à la campagne ou en ville, etc.) en fonction des caractéristiques du marché du travail local, ou des événements familiaux (mariage, maternité), etc. Les jeunes filles effectuent en général un travail à plein temps (ouvrières ou domestiques) jusqu’au mariage et, après leur premier enfant, cessent leur activité salariée pour ne la reprendre que plus tard et par intermittence. La main-d’œuvre féminine est donc caractérisée par sa jeunesse. Certains employeurs renforcent cette tendance en réservant des emplois « mieux » rémunérés aux femmes célibataires 19.

 

Cassure dans la famille et danger sanitaire ?

Dans ces premiers temps de l’industrialisation, l’exploitation de la main-d’œuvre se fait de manière féroce et atteint les limites de la résistance physiologique 20. Les taux de morbidité et de mortalité sont très élevés chez les ouvriers.

Dès la Monarchie de Juillet, une partie de la classe capitaliste (manufacturiers éclairés, proto-sociologues, etc.) s’inquiètent des conséquences du travail salarié des femmes et des enfants, car « ce qui trouble, c’est la cassure introduite dans l’unité de la famille » 21. Ce qui est craint, c’est qu’éclose « un foyer de pathologie sociale qui ruine la morale dominante » 22. Pour eux, les conditions d’existence (habitat, misère, entassement, promiscuité, conditions de travail, chômage périodique, etc.) poussent les individus à sortir du cadre légal et moral (concubinage, vol, abandon d’enfants, infanticide, prostitution, révolte individuelle, rixes, vagabondage, alcoolisme).

Cette inquiétude va entraîner et s’alimenter d’une série d’enquêtes sociologiques (à l’initiative d’associations patronales ou de services de l’Etat) dont les résultats montrent publiquement l’aggravation du sort des ouvriers, leur dégradation physique et « morale ».

Le préfet de la Meuse écrit ainsi en 1837 : « On ne peut dissimuler que la population élevée dans les fabriques est une population abâtardie et détériorée au physique comme au moral. […] Sa faiblesse, sa pâleur, sa physionomie éteinte révèlent à l’instant les effets délétères de cette vie d’atelier23. » 

Mais, l’auteur dont le travail aura le plus d’écho est Louis René Villermé qui, dans le rapport sur le travail dans le Haut-Rhin qu’il présente en 1846 à l’Académie des sciences morales et politiques, fait cette célèbre et terrifiante description :

« Cette multitude d’enfants hâves, maigres, couverts de haillons, qui arrivent pieds nus, par la pluie et la boue, portant à la main le morceau de pain qui doit les nourrir jusqu’à leur retour. Ils restent seize à dix-sept heures debout chaque jour, dont treize au moins, dans une pièce fermée, sans presque changer de place, ni d’attitude. Ce n’est plus là une tâche, un travail, c’est une torture que l’on inflige à des enfants de six à huit ans mal nourris, mal vêtus, obligés de parcourir dès cinq heures du matin la longue distance qui les sépare de leur atelier, et qu’achève d’épuiser le retour de ces mêmes ateliers24. »

Ces enquêtes mettent également en évidence l’accroissement de l’analphabétisme, la dégradation physique, la dépendance aux bureaux de bienfaisance, la prostitution après la sortie de l’usine, l’alcoolisme, etc. Mais la plus vaste et inquiétante étude des conditions physiques de la population (masculine) est en fait réalisée par l’armée via ses conseils de révision. L’administration militaire atteste de la faiblesse biologique des ouvriers (plus souvent victimes d’infirmités et d’une taille inférieure aux conscrits d’origine bourgeoise ou paysanne) 25. Sous la Monarchie de Juillet, ces conseils écartent quatre conscrits sur dix dans les régions rurales et neuf sur dix dans les dix départements les plus industrialisés. En 1837, dans ces mêmes départements, 89,8 % des conscrits sont jugés inaptes (contre 38,3 % en moyenne) 26. Selon le préfet de la Meuse (1837) : « Les opérations de recrutement nous montrent aussi chaque année combien l’influence de ces professions est funeste à la santé ; il est rare qu’un ouvrier fileur, un tisserand, soit propre au service et il est toujours réformé pour la faiblesse de sa constitution, lors même qu’il n’est ni scrofuleux, ni rachitique, ce qui arrive le plus souvent ; il n’est guère d’exceptions que pour ceux qui ont commencé plus tard l’exercice de ces professions27 » Le problème de la reproduction de la force de travail* est ici mis en évidence et se double de préoccupations militaires et démographiques alors particulièrement importantes.

Jusqu’alors les enfants étaient traités comme des adultes sitôt en âge de travailler. Mais les conditions du travail à la campagne diffèrent fortement de celles en usine. Pour les éléments les plus clairvoyants de la classe capitaliste, il devient nécessaire de prendre des mesures car c’est l’existence même de la « race des travailleurs » qui se trouve menacée. Qui descendra demain dans les mines ou mourra sur les champs de bataille ?

 

La loi de 1841

C’est notamment l’Angleterre, pays en avance en ce qui concerne l’industrialisation mais aussi dans l’instauration d’une loi limitant le travail des enfants, qui va inspirer les législateurs français. Dès 1796, un médecin de Manchester s’inquiétait des conditions de travail dans l’industrie cotonnière qui, selon lui, risquaient d’empêcher de « fortifier l’organisme et [de] rendre l’homme capable d’accomplir les travaux et de remplir les devoirs de l’âge viril » 28.

La loi du 22 mars1841 ne répond donc pas à des revendications ouvrières, mais à préoccupation des gouvernants et de certains patrons concernant les effets inquiétants de l’industrialisation pour la reproduction de la force de travail. Elle « reflète exactement les opinions moyennes des manufacturiers » 29 et s’appuie sur une enquête ministérielle de 1837 qui sollicitait les avis de manufacturiers, des chambres de commerce, des chambres consultatives et des conseils des prud’hommes. Elle est l’aboutissement d’un lobbying et d’une campagne de pétitions déclenchée à la fin des années 1820 (et qui s’intensifie après 1837) 30 par des médecins, des manufacturiers et notamment par la Société industrielle de Mulhouse. Eugène Schneider, membre de cette dernière et patron du Creusot, écrira plus tard à propos de cette loi : « Développer les forces physiques de l’ouvrier, assurer son instruction, élever son intelligence, c’est préparer des générations puissantes, c’est augmenter avec une sage prévoyance les éléments de la production nationale 31. »

Il ne s’agit évidemment pas pour la bourgeoisie de supprimer le travail des enfants (qui est bien trop rentable économiquement et jugé indispensable à certains postes), mais d’en rationaliser l’exploitation, d’en limiter les abus : préserver la croissance et la santé des enfants en interdisant un âge d’admission trop précoce.

Un rapport de la commission de travail des enfants dans les manufactures de 1846 montre qu’il n’est aucunement question d’humanisme mais bien de recherche de rentabilité et d’investissement :

« Avec des classes ouvrières faibles et ignorantes, la lutte industrielle ne serait plus possible et l’avenir appartiendrait au pays qui aurait le plus fait pour améliorer sa population ouvrière. Cette conviction, messieurs, nous la puisons non pas dans des spéculations toutes humanitaires, mais dans l’expérience et l’étude des faits ; tous les hommes qui se sont préoccupés des meilleures conditions économiques du travail, reconnaissent aujourd’hui que tout ce qui peut rendre la population ouvrière plus intelligente, plus morale et plus forte, donne à l’industrie des éléments de succès qui compensent largement les sacrifices apparents ou même réels qu’elle peut s’imposer momentanément pour atteindre un résultat qui, aux yeux d’hommes superficiels, pourrait ne paraître réclamé qu’au nom de l’humanité 32. »

La loi de 1841, limitée aux « usines à moteur mécanique », interdit le travail des enfants avant huit ans (c’est à cet âge que l’exploitation devient rentable) 33. Elle limite à huit heures la journée de travail des huit-douze ans ; interdit le travail de nuit en dessous de douze ans (en fait peu rentable) ; rend obligatoire un minimum d’instruction 34 (début de socialisation des tâches d’élevage).

Avec cette loi, « une politique de la force de travail se définit » 35 (pour assurer l’exploitation quotidienne mais aussi celle du futur adulte). Pour la première fois, un regard attentif est posé sur la santé et l’hygiène de la force de travail ; cela annonce l’intervention étatique dans le champ clos du libéralisme économique, mais également dans celui de la famille. En légiférant ainsi sur l’utilisation que fait le père de ses enfants, donc en restreignant son autorité et en se substituant partiellement à elle (idem plus tard pour le travail des femmes et l’école obligatoire).

 

La famille sens dessus dessous

L’interdiction du travail des jeunes enfants ne résout pas les problèmes car nombre d’entre eux sont alors livrés à eux-mêmes (formation de bandes, délinquance, sexualité, etc.) « La véritable immoralité des enfants, celle qui insiste dans les discours de l’époque, c’est le vagabondage et les activités sexuelles 36. » S’ajoute à cela que la période de fécondité pour les femmes correspond à la meilleure période de rendement (pour l’usine), ce qui inquiète les démographes : les conditions de travail détériorent la santé des femmes, provoquent des fausses-couches 37 et perturbent l’allaitement. Sous le Second Empire (1851-1870), dans la moulinerie de soie, les ouvrières commencent leur travail à 5 h du matin et le terminent à 10 ou 11 h du soir. Selon un rapport médical, « deux ans de ce travail suffisent pour détruire la santé et la beauté de la jeune fille »38.

Mais, par rapport au modèle de la famille paysanne et à celui qui prévaut dans les familles bourgeoises, c’est surtout le cadre familial qui semble se décomposer.

« L’immoralité […] est ici située dans la famille, sous deux figures : l’exploitation sans vergogne des enfants par les parents, et la dissolution des liens familiaux dans la bande ouvrière […] l’apprentissage et même l’invention d’un art de vivre ouvrier dans les conditions nouvelles de l’industrie. Les classes dominantes qui […] ont choisi de s’installer en retrait de la vie sociale dans un espace familial restreint, découvrent au dehors une population qui n’est plus celle qu’elles avaient laissée et qui était surtout faite de métayers, d’artisans et de serviteurs. Elles y trouvent une classe qui leur est devenue étrangère, et ne voient dans leurs mœurs, parce qu’elles sont tout autres, qu’un néant de morale, comme Marx et Engels y voient, sur le fond de la même étrangeté, des promesses de révolutions. En décidant d’instruire les enfants de cette population dans les principes de la morale et de la religion, les classes dominantes n’introduisent donc pas quelque chose où il n’y a rien, mais s’attaquent à une moralité qui n’est pas la leur, en donnant aux jeunes travailleurs des manufactures d’autres principes de vie que ceux de leur classe. La leçon de l’instituteur ne diffuse pas seulement des idées, mais combat les idées ouvrières 39. »

La famille ouvrière est parfois perçue comme un « monde à l’envers ». Le pire étant peut-être lorsqu’un homme se trouve au chômage alors que son épouse travaille. La famille étant considérée comme un pilier de la société, c’est l’image de son chef qui se trouve ici sapée. Si l’autorité traditionnelle du père est déjà mise à mal par le travail en usine (en comparaison avec la figure du fier paysan), que dire lorsqu’il se retrouve au chômage et ne peut assurer la survie de sa famille ? Richard Pilling, ouvrier et « père du mouvement gréviste » décrit par exemple en 1843 la situation à Lancaster : « J’ai vu des maris apportant leurs enfants à la fabrique pour les faire allaiter par leurs mères, apportant à leurs femmes leurs déjeuners ! J’ai vu cela à la fabrique de Bradshaw où les femmes sont employées au lieu d’hommes » 40. Cette opinion est alors très répandue, y compris chez les socialistes. Engels écrit ainsi :

« Dans bien des cas, la famille n’est pas tout à fait désagrégée par le travail de la femme mais tout y est mis sens dessus-dessous. C’est la femme qui nourrit sa famille, et l’homme qui reste à la maison, garde les enfants, balaye les pièces et fait la cuisine. […] On peut aisément imaginer quelle légitime indignation cette castration de fait suscite chez les ouvriers 41. »

Il arrive également que les enfants mineurs gagnent plus que leurs parents et qu’ils reçoivent directement leur salaire. Cela « leur donne trop de prépondérance dans la maison et relâche la puissance paternelle » (ils quittent plus rapidement la famille, mauvais présage pour leur moralité).

Dans sa réponse à l’enquête de 1837, Th. Barrois, membre de la Chambre de commerce de Lille déplore que l’«un des inconvénients des grandes manufactures c’est de rendre les ouvriers trop libres » et que « prêts à vendre leur travail d’un côté ou de l’autre à des fabricants qui n’ont point le temps de s’enquérir de leur moralité, ilssont dégagés de ces liens nombreux qui, dans la société, nous tiennent attachés à nos devoirs ».

Jusque vers 1860, on constate chez les ouvriers un grand nombre d’unions libres et/ou temporaires, de naissances illégitimes, de « filles-mères » abandonnées, etc., ce qui traduirait la difficile adaptation des traditions de la famille paysanne élargie à la famille urbaine 42. Beaucoup de patrons, prenant conscience que cette déliquescence de la famille est un frein à la stabilité des ouvriers, cherchent à favoriser le mariage qui « est l’institution morale et civilisatrice par excellence » (par exemple en « offrant » une faible rétribution aux ouvrières mariées en couches mais aucune pour les filles-mères) 43. « La famille était un aiguillon implacable qui forçait les travailleurs à s’embaucher » 44.

Mais c’est le travail des femmes lui-même qui pose un problème par rapport aux formes traditionnelles d’élevage des enfants. Dans sa réponse à l’enquête de 1837, Th. Barrois déclare : « Au lieu de diminuer la durée de travail des enfants, il me paraîtrait bien plus convenable de diminuer celle des mères de famille. Elles sentent que de jeunes enfants réclament leurs soins et malheureusement un soin plus impérieux, celui de gagner la nourriture de la famille, les retient à l’atelier » (dans sa filature, comme dans d’autres, il les retient moins longtemps que les autres) 45.

L’encadrement législatif du travail des femmes va contribuer à construire peu à peu et stabiliser le modèle de la famille conjugale moderne (nucléaire).

 

Évolution

Après 1850, on constate une évolution de la situation économique et sociale des ouvriers, une amélioration lente et relative est perceptible. Une première crise de surproduction oblige à reconsidérer le problème de la consommation intérieure des masses (hausse des salaires, mais surtout des profits) ; la résistance ouvrière augmente, les communications progressent. Les journées de dix heures sont plus fréquentes (ce qui est un progrès !), l’emploi des femmes et des enfants moins répandu (sauf dans le textile). La croissance économique est définitivement lancée.

La seconde industrialisation qui marque la fin du XIXe siècle se manifeste par une extension du salariat et une concentration croissante des travailleurs (surtout dans les mines, la métallurgie ou les industries d’Etat où les femmes sont rares). Au recensement de 1896, un tiers des femmes sont considérées comme actives (et représentent un tiers des actifs) : à 90 % dans les secteurs de l’agriculture (30 % des actifs), le travail des étoffes et vêtements (87 % des actifs), le service domestique (81 % des actifs), l’industrie textile (50 % des actifs) et le commerce (30 % des actifs) 46.

C’est en 1874 que, pour la première fois, les femmes sont concernées par une réglementation du travail.

A l’hostilité des libéraux (opposés à toute intervention étatique) s’opposent les arguments de préservation de la famille ouvrière, de lutte contre la dénatalité et la mortalité infantile. Dans le débat, des économistes jouent un rôle important en insistant sur le rôle des mères dans l’amélioration de la future force de travail. L’ouvrage de Jules Simon, L’Ouvrière (1861), qui associe le travail dans l’usine à la désintégration de la famille ouvrière, a aussi une forte influence. Dans une préface à l’édition de 1891, il écrit que « le mal est moral et le remède la reconstitution de la famille ». Un argument également avancé est que les femmes ne sont pas des « agents libres » ; elles sont privées de droits civiques par le mariage (et ainsi considérées comme des mineures) et auraient donc besoin de la protection de l’Etat contre leur mari 47.

Ces thèmes de la stabilité de la famille ouvrière et de la mère éducatrice, et donc de l’opposition au travail des femmes, sont alors partagés par de nombreux militants ouvriers (très marqués en France par la pensée misogyne de Proudhon) 48.

La loi du 19 mai 1874 interdit le travail des enfants en dessous de douze ans et étend certaines interdictions aux femmes (interdiction des travaux souterrains ; interdiction du travail de nuit et du travail le dimanche pour celles de moins de 21 ans). Elle propose des obligations plus précises en matière d’instruction et quelques éléments d’hygiène et de sécurité (et la création de postes d’inspecteurs du travail) 49.

 

Vers intégration morale des classes laborieuses ?

La deuxième décennie du Second Empire est décisive avec l’intégration progressive du prolétariat immigré favorisée par un recul de la misère, le progrès de l’instruction, etc. Les classes laborieuses cessent de se confondre avec les classes dangereuses (place que prend le sous-prolétariat) 50.

Les compagnies mettent en œuvre des stratégies pour accélérer ce processus (habitat, travail, mœurs) dont « l’objectif majeur a été la constitution d’un ménage ouvrier ». C’est « le modèle d’intimité d’une nouvelle race de travailleurs forgée pour la production » qui prend forme. « Dressage somatique » et moralisation sont deux aspects d’un même projet : la production a besoin de la qualité morale des travailleurs (désentassement et « naissance de l’intimité ouvrière » avec ses conséquences architecturales et urbanistiques) ce qui implique « l’ablation du célibat et du concubinage »(des compagnies minières refusant par exemple l’embauche d’ouvriers célibataires) 51.

Il s’agit donc de fixer la classe ouvrière par le mariage et la famille (encouragés par le paternalisme patronal), de généraliser le modèle familial bourgeois (intimité du foyer, importance de l’enfant, individualisme, etc.). Dans l’optique de sauver la « race des travailleurs », le mode de production capitaliste s’appuie sur la sexuation existante et l’élevage des enfants ne peut évidemment incomber qu’aux femmes. Après la séparation entre foyer et lieu de travail (lieu de reproduction/lieu de production), l’assignation des femmes au premier prend forme et accentue encore la différence entre hommes et femmes (dans les rôles sociaux et les mentalités). Le travail domestique fait ainsi son apparition en tant qu’activité définitoire des femmes au foyer (centrée sur la reproduction de la force de travail, et dévalorisée sous prétexte qu’elle est « non-productive » 52). Pour la première fois dans l’histoire, le travail des femmes devient un problème pour un mode de production.

Pour Michelle Perrot, c’est un ménage ouvrier original qui se constitue, issu tout à la fois du ménage paysan de l’ancienne France et de l’union conjugale bourgeoise construite autour de l’enfant. Désormais, « l’ouvrier est d’abord un père de famille pourvu de femme et d’enfants et sa revendication, salariale ou autre, sa pensée sur l’éducation, le travail, l’apprentissage, la sécurité s’appuient constamment sur cette réalité » 53. Pour Corbin, après une « période de désarroi et d’illégalisme sexuel lié à l’abandon de la famille rurale », « le modèle de la famille conjugale et celui de l’intimité bourgeoise sont progressivement assimilés par le prolétariat urbain » 54.

Le capital peut remettre en cause, s’il les considère comme des obstacles, bien des schémas ou dispositifs antérieurs. Il le fait ici en détruisant un modèle social/familial et des modes de vie ancestraux, en mettant à mal l’autorité des maris et des pères, en mettant sens dessus dessous la famille, etc. Il peut ensuite reconfigurer ces éléments à son image et s’appuyer dessus, selon les conditions et nécessités de l’époque. Néanmoins, l’Etat, dans son rôle régulateur, fait revenir à la raison les hordes de patrons individualistes assoiffés de sueur et de sang prolétariens.

Parmi tous les dispositifs mis en place par le capital en cette période (légalisation de la résistance ouvrière, urbanisme, imposition d’un autre mode de vie, développement de la médecine, éducation/endoctrinement, démocratie, etc. qui ne seront réellement efficaces qu’au XXe siècle), la construction sociale du rôle de la famille est donc fondamentale : elle permet la reproduction de la force de travail et assure l’intégration de la classe ouvrière.

L’Etat s’immisce dans la vie privée de la famille et commence à prendre en charge une partie de l’élevage des enfants (début de l’Education nationale) mais pas sa totalité, il a toujours besoin des femmes.

La reconstruction de la famille qui s’effectue dans la seconde moitié du XIXe siècle (qui conditionne plusieurs des axes énoncés ci-dessus) détermine un nouveau statut et une nouvelle place pour les femmes (qui va se développer et perdurer durant les deux premiers tiers du XXe siècle). Elle détermine donc, selon un modèle toujours patriarcal, une nouvelle phase dans les rapports entre hommes et femmes.

Dans cette tourmente d’un siècle, rien ne peut expliquer la place particulière que vont devoir prendre les femmes à partir de la seconde moitié du XIXe siècle… rien si ce n’est une fonction éminemment importante pour toute société (et que le capital a bien failli oublier) : elles peuvent enfanter et, en l’occurrence, enfanter de futurs prolétaires, ce qui, rappelons-le, n’a rien de naturel*, mais est organisé socialement.

 

 

 

 

1 Ces notes concernent l’Angleterre et la France qui connaissent une évolution similaire (bien que l’industrialisation commence en Angleterre dès la fin du XVIIIe siècle, au début du XIXe pour la France) ; évolution que suivent plus ou moins rapidement les autres pays occidentaux.

2 Cela ne se réduit pas aux tâches effectuées au sein du foyer et ne peut être comparé au travail domestique actuel. La plupart des tâches reconnues aujourd’hui comme constituant le travail domestique (cuisine, ménage, lessive, élevage des enfants) étaient particulièrement réduites par rapport à notre époque.

3 Loin de se succéder, les différentes formes de production (dispersées dans les foyers et concentrées dans les usines) vont se nourrir mutuellement jusqu’au XIXe siècle.

4 Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, « De l’hospice à la manufacture », Les Révoltes logiques, n° 3, automne 1976, p. 9.

5 « La première forme de lutte de classe invisible a pour enjeu cette question de la présence, de sa régularité et de son intensité » (amendes pour absences, remise en vigueur du Livret ouvrier par Napoléon III). Christophe Charle, Histoire sociale de la France au XIXe siècle, Paris, Seuil, 1991, p. 118-119.

6 En France en 1850, on compte 1 200 000 travailleurs de l’industrie , contre 2 500 000 artisans ; en 1910, 4 500 000 travailleurs pour 900 000 artisans.

7 Jules Simon en 1860, cité par Evelyne Sullerot, Histoire et sciologie du travail féminin, Paris, Gonthier, 1968, p. 88.

8 « Eux qui n’auraient jamais salé le porc ou fabriqué les chandelles dans leur maisons vont le faire en ateliers. Eux qui ne filaient point et eussent trouvé cela infamant vont filer sur les broches mécaniques des manufactures. » Evelyne Sullerot, op. cit., p. 90.

9 La résistance du travail à domicile est vouée à l’échec. Vers 1860, le salaire journalier en usine est en moyenne le double de celui que peut obtenir une travailleuse à domicile (qui doit sans cesse augmenter son temps de travail pour un revenu toujours moindre, alors que le temps de travail en usine tend à diminuer légèrement). Voir Evelyne Sullerot, op. cit., p. 99.

10 Jean-Pierre Rioux, La Révo-lution industrielle 1780-1880, Paris, Seuil, 1989, p. 174.

11 Contre 35 000 dans l’extraction de la houille et 38 000 dans la sidérurgie.

12 Françoise Battagliola, Histoire du travail des femmes, Paris, La Découverte, 2008, p. 12.

13 Par exemple dans une sucrerie, de nuit, décharger des betteraves « parce qu’elles résistent mieux que les hommes à la saleté et au froid » ! Evelyne Sullerot, op. cit., p. 97. La figure du « sexe faible » prend parfois du plomb dans l’aile.

14 L’apparition de machines-outils et d’une nouvelle énergie (la vapeur) transforme le procès de production. Elle nécessite une concentration des travailleurs en un lieu unique et entraîne une division du travail de plus en plus complexe.

15 Evelyne Sullerot, op. cit., p. 102.

16 Marx explique que le salaire ne représente pas le paiement du travail effectué par le travailleur, mais le coût de la reproduction de sa force de travail (qui doit être suffisant pour assurer la reproduction de la famille).

17 « Le Code civil [1804] en privant les femmes de droits civiques et en consacrant la dépendance de la femme mariée à l’égard de son époux, donne un fondement juridique à cette conception de la femme comme personne statutairement dépendante », Françoise Battagliola, op. cit., p. 24.

18 « Exactement comme celle de toute autre marchandise, [la valeur de la force de travail] est déterminée par la quantité de travail nécessaire* à sa production. La force de travail d’un homme ne consiste que dans son individualité vivante. Pour pouvoir se développer et entretenir sa vie, il faut qu’il consomme une quantité déterminée de moyens de subsistance. Mais l’individu, comme la machine, s’use, et il faut le remplacer par un autre. Outre la quantité d’objets de nécessité courante dont il a besoin pour sa propre subsistance, il lui faut une autre quantité de ces mêmes denrées de première nécessité pour élever un certain nombre d’enfants qui puissent le remplacer sur le marché du travail et y perpétuer la race des travailleurs. » Karl Marx, Salaire, prix et profit, 1865. Une vision que Marx partage (ou bien l’a-t-il lâchement copiée) avec Adam Smith qui écrit en 1776 : « Il faut de toute nécessité qu’un homme vive de son travail, et que son salaire suffise au moins à sa subsistance ; il faut même quelque chose de plus dans la plupart des circonstances ; autrement il serait impossible au travailleur d’élever une famille, et alors la race de ces ouvriers ne pourrait pas durer au-delà de la première génération. » Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, t. I, Paris, Flammarion, 1991, p. 139.

19 Françoise Battagliola, op. cit., p. 13.

20 Jusqu’en 1860, dans l’industrie la journée de travail peut atteindre quinze heures même si des patrons philanthropes la limitent à douze heures. La nouveauté ne réside pas dans la durée (un canut lyonnais pouvait par exemple rester seize heures sur son atelier à domicile) mais dans la discipline, les cadences et la régularité imposées. Voir Jean-Pierre Rioux, op. cit., p. 173 et Edward-P. Thompson, Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, Paris, La Fabrique, 2004, 104 p.

21 Denis Woronoff, « Naissance de l’industrie », L’Histoire, n° 195, janvier 1996.

22 André Philip, Histoire des faits économiques et sociaux, Paris, Aubier-Montaigne, 1969, p. 57.

23 Cité par Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, op. cit., p. 22-23.

24 Louis René Villermé, Tableau de l’état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, 1840.

25 En 1878, la British Association révèle après une enquête anthropométrique que les garçons de onze-douze ans en milieu ouvrier ont une taille inférieure de 12 cm à celle des bourgeois et aristocrates. Voir Jean-Pierre Rioux, op. cit., p. 181-182.

26 Louis Seigle, Vie des ouvrières et des ouvriers en Vaucluse au XIXe siècle, Avignon, Gambetta, 2001, p. 27.

27 Cité par Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, op. cit., p. 22-23.

28 Claude Fohlen, François Bédarida, L’Ere des révolutions (1765-1914), Histoire générale du travail, t. III, Paris, Nouvelle librairie de France, 1964, p. 43.

29 Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, op. cit., p. 15.

30 Claire Lemercier, « Loi sur le travail des enfants, savoirs et société civile (France, 1841-1874) : quelques pistes de recherche ».

http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00107455/

31 Cité par Agnès D’Angio-Barros dans « La pensée économique d’Eugène Schneider, co-fondateur et gérant de la société Schneider et Cie (1824-1870) », Communication au congrès de l’AFHE, 23-24 novembre 2007 (hagiographie amusante).

32 Cité par Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, op. cit., p. 22-23.

33 Une ordonnance de 1839, restée sans effet, avait déjà interdit l’entrée des enfants de moins de quatorze ans dans les manufactureset rendu obligatoire la fréquentation d’une école.

34 Les industriels ont un besoin croissant d’ouvriers ayant un minimum d’instruction et de « principes moraux ». Jules Ferry résoudra ce problème en 1881-1882.

35 Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, op. cit., p. 16.

36 Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, op. cit., p. 24.

37 En 1882, la presse évoque une fabrique de boîtes de fer-blanc où 95 % des ouvrières enceintes feraient des fausses-couches. Cité par Jules Guesde et Paul Lafargue dans Le Programme du Parti ouvrier, Lille, 1897, p. 65.

38 Claude Fohlen, François Bédarida, op. cit., p. 42.

39 Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, op. cit., p. 28-30. Cette idée de contre-culture ouvrière est critiquée, voir notamment Barrie M. Ratecliffe, Christine Piette, Vivre la ville. Les Classes populaires à Paris (1ère moitié du XIXe siècle), Paris, La Boutique de l’histoire, 2007, 584 p.

40Evelyne Sullerot, op. cit., p. 105.

41 Friedrich Engels, La Situation de la classe ouvrière en Angleterre, 1845. On sent bien que Engels est choqué par cette vision de l’homme qui reprise les chaussettes de sa femme. Cette destruction de la famille (autoritaire, bourgeoise, etc.) est néanmoins pour lui (comme pour Marx) une étape importante dans la marche vers « une forme supérieure de famille et de rapport entre les deux sexes ».

42 Alain Corbin, Les Filles de noce, misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Paris Flammarion, 1989, p. 276.

43 Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, , op. cit., p. 56.

44 Maurice Dobb, Etudes sur le développement du capitalisme, Paris, Maspéro, 1981, p. 291.

45 Stéphane Douailler, Patrice Vermeren, op. cit., p. 52.

46 Françoise Battagliola, op. cit., p. 25.

47 Françoise Battagliola, op. cit., p. 44-45. Avec l’obtention de l’égalité en droit une protection particulière de la femme est-elle encore nécessaire ? Une loi adoptée par l’Assemblée nationale en novembre 2000 met fin à l’interdiction du travail de nuit pour les femmes dans l’industrie (c’est une mise en conformité du droit français avec le droit européen sur l’égalité entre les sexes). Aujourd’hui, les femmes, tout comme les hommes, peuvent librement passer un contrat avec un employeur…

48 On peut y voir un autre enjeu : qui contrôlera le corps des femmes prolétaires ? Les patrons, l’Etat ou les maris ? Voir Françoise Battagliola, op. cit., p. 43.

49 En fait, cette loi a pour conséquences d’écarter les femmes de certains emplois et de multiplier la sous-traitance à domicile, qui n’est pas concernée par la loi.

50 Alain Corbin, op. cit., p. 279-280.

51 Va se créer une conscience d’identité (ouvrière). « La moralisation, même si elle résulte de la stratégie patronale, exprime et contribue alors à renforcer cette fierté ouvrière. » Alain Corbin, op. cit., p. 281-284.

52 Jugée non-productive car ne rapportant pas d’argent. Si le capitalisme n’a pas inventé la sexuation, « la nouveauté introduite par le capitalisme historique consistait dans l’établissement d’un lien entre la division du travail et son évaluation ». Immanuel Wallerstein, Le Capitalisme historique, Paris, La Découverte, 1987, p. 25.

53 Michèle Perrot, « L’éloge de la ménagère dans le discours ouvrier français au XIXe siècle », Romantisme, n° 13-14, 1976, p. 110.

54 Alain Corbin, op. cit., p. 278. Cette interprétation est remise en cause par Barrie M. Ratecliffe et Christine Piette, op. cit.