INCENDO
Sur le rapport entre genres & classes. Revue de presse & textes inédits
Les années d’expérience du MLAC d’Aix-en-Provence (1976)

Le MLAC, ce mouvement qui a regroupé des mil­liers de femmes et d’hommes dans une lutte pour la liberté de l’avortement et de la contraception, n’existe plus. La structure nationale et légale du MLAC, mise en place à ce moment-là pour des raisons d’unité et d’efficacité, est devenue une coquille vide : elle n’est plus l’émanation des centaines de groupes de base qui constituaient réellement le mouvement et lui ont donné sa force et sa créativité. On peut se demander à quels mobiles obéissent celles qui prétendent actuellement être les représentantes nationales d’un mouvement qui n’existe plus, et utiliser l’immense audience du MLAC à des fins sans rapports avec la lutte et l’intérêt réel de la majorité des femmes.
La Loi Veil a durant 18 mois parfaitement joué son rôle dissuasif. La lutte a été stoppée.
A Aix, parce que nous n’avons jamais cru que la nouvelle loi sur l’avortement allait apporter une solution correcte à toutes les femmes et parce que notre bagarre dans le MLAC n’a jamais été limitée à la lutte pour l’avortement et la contraception, nous avons continué.
– Nous avons continué à exister en tant que groupe, composé essentiellement de femmes, un certain nombre d’hommes nous apportant leur appui en de nombreuses occasions.
– Nous avons continué à prendre les décisions col­lectivement en consultant très largement toutes les femmes concernées par le mouvement, y compris celles qui n’ont pas la possibilité de venir régulièrement (enfants, maris, travail, moyens de transport…) et en confrontant nos points de vue de façon que les décisions prises soient réellement la volonté de la majorité des femmes du groupe. Nous sommes pour la plupart des femmes exploitées au maximum dans leur travail (O. S., femmes de ménage, caissières, secrétaires…) ou chô­meuses dans une région où le chômage est très élevé.
– Nous avons continué à oser faire nous-mêmes ce qui est réservé jusqu’à présent aux spécialistes : des avortements, des accouchements, des poses de stérilets, acquérir les connaissances pour le faire, nous organiser collectivement. Avec un groupe de femmes de l’usine Thomson CSF, nous avons fait fonctionner depuis deux ans une garderie pour les enfants le mercredi et pendant les vacances scolaires. La continuation de la pratique des avortements a valu à six d’entre nous d’être in­culpées de tentative d’avortement et d’exercice illégal de la médecine.

– Nous avons continué à prendre la parole pour exprimer notre point de vue :
A l’occasion de la procédure qui vise six d’entre nous.
En nous présentant aux élections cantonales à Aix-Nord où nous avons obtenu 3,3 % des inscrits.
En diffusant depuis trois ans une brochure sur la contraception et l’avortement que nous avons rédigée et réalisée nous-mêmes.
En accompagnant des femmes à l’hôpital pour qu’elles ne se retrouvent pas isolées face aux spécia­listes et pour obtenir des conditions d’avortement cor­rectes (accueil, utilisation de la méthode Karman sans anesthésie, véritable information sur la contraception).
En travaillant actuellement à la réalisation d’un film 16 mm dont une séquence sera bientôt prête : l’accou­chement d’une copine vécu collectivement.

Nous voulons maintenant participer à la construction d’un mouvement fondé sur la coordination et la con­frontation de groupes ayant une vie et une pratique réelles, et qui visent à la transformation immédiate de la vie quotidienne des femmes, et par conséquent des hommes et des enfants. Nous sommes conscientes que cette volonté est en contradiction avec les conditions qui sont faites aux femmes dans la société telle qu’elle est organisée actuellement et qu’il nous faudra donc participer à une lutte pour un changement radical de cette société.

M.L.A.C (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception), 1976

Texte paru dans Liberation, 30-31 octobre et 1er novembre 1976.

Il s’agit de la section du M. L. A. C. d’Aix-en-Provence.

Document trouvé sur le site Fragments d’Histoire sur la gauche radicale.

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