Le Cambodge surfe sur la vague textile
Les relocalisations massives de Chine profitent au royaume. L’absence de quotas à l’importation aux Etats-Unis et en Europe constituent un atout important.
Installée dans les proches faubourgs de Phnom Penh, cette usine de textiles a traversé l’histoire. D’origine familiale, elle a été affectée pendant le régime de Pol Pot à la fabrication de vêtements pour les Khmers rouges. Depuis, elle appartient à un groupe chinois et ses 3.000 employés produisent à façon aujourd’hui pour les grandes marques internationales.
Elle est l’une des 370 usines exportatrices installées dans le royaume. Et leur nombre augmente rapidement ! Au cours des deux dernières années, pas moins de 150 installations nouvelles dont 102 pour la seule année 2012 ont jeté leur sac sur la terre khmère! Il s’agit majoritairement de relocalisations venues de pays voisins, surtout de Chine. « Les usines appartiennent à 80 % à des groupes chinois et à 10 % à des coréens » explique Porphin Van, codirectrice de l’usine et responsable régionale pour la maison mère.
Cet intérêt soudain pour ce pays de 14 millions d’habitants ne tient pas au hasard. La forte augmentation des salaires dans la région (Chine, Thaïlande et Vietnam) explique en grande partie ce mouvement, selon le GMAC (Garment Manufacturers Association of Cambodia). Le salaire de base, c’est aujourd’hui l’un des éléments clefs de la stratégie du Cambodge. Et pas question pour les autorités de trop s’écarter du salaire plancher de 61 dollars par mois. Face à la grogne montante, des négociations salariales ont malgré tout été engagées, les syndicats demandant 100 dollars. Un accord pourrait être trouvé autour de 73 dollars, selon les experts. Bien loin encore des 250 dollars de la Thaïlande et des 240 dollars de la Chine. Céder sur les salaires, c’est prendre le risque de faire fuir les investisseurs. «Si nous faisons passer le salaire minimum à 100 dollars par mois, nous allons perdre la moitié de nos usines » craint déjà Prophin Pan. Un avis que ne partagent pas tous les acteurs. Car les deux concurrents potentiels sont le Bengladesh (35 dollars de l’heure) et la Birmanie où l’ouverture commence à peine. « Tous les donneurs d’ordre sont déjà présents au Bengladesh et ne veulent pas s’exposer davantage. Quant à la Birmanie, c’est encore tôt » explique Jill Tucker en charge du programme Better factories au Cambodge. En attendant le secteur tourne à plein et crée même des pénuries de main-d’œuvre dans le pays. Au point que lle GMAC organise des tournées de recrutement dans les campagnes.
Compétitivité-prix
Accrochées à leur compétitivité-prix, les entreprises serrent les coûts autant qu’elles le peuvent tout en s’efforçant de maintenir une paix sociale. Ce qui n’est pas gagné a priori. « Chaque fois que nous donnons un coup de pouce aux salaires, les propriétaires des logements loués aux ouvriers augmentent leurs loyers d’autant » constate un peu dépitée le chef d’entreprise. De même, la hausse incessante du coût de l’énergie est devenu un sujet de préoccupation pour les employeurs. Elle entre désormais pour 20 % dans le coût de fabrication d’un vêtement, le salaire atteignant 50 %. Pour attirer les investissements, le Cambodge a une autre carte maîtresse qui n’a rien à voir avec la faiblesse des coûts de fabrication. Il offre l’avantage d’être en dehors des quotas à l’importation sur les textiles dans l’Union européenne et aux Etats-Unis. C’est précisément cette réglementation qui devrait assurer, à moins d’une inflexion, l’avenir de la filière pour cinq à dix ans, selon les experts. D’ici là, l’intégration en 2015 du Cambodge à la zone de libre échange de l’ASEAN aura permis aux investisseurs de réorienter leurs exportations.
SOURCE : Les Echos, 3 avril 2013
Diaporama sur l’usine décrite dans l’article.