Le gouvernement marocain a adopté un projet de loi criminalisant le travail des enfants, six années après avoir annoncé l’interdiction de ce fléau. Au Maroc, le travail des »petites bonnes » est une pratique courante.
Le gouvernement marocain, dirigé par les islamistes du Parti Justice et développement (PJD), a adopté, six ans après les recommandations d’ONG internationales dont Human Rights Watch (HRW), une loi pour régir le travail domestique. »Le texte adopté mettra fin à une situation d’ambiguïté qui n’a que trop duré et dont les conséquences étaient parfois dramatiques », souligne un communiqué du gouvernement marocain, qui veut encadrer cette pratique, très répandue dans la société marocaine.
Le nouveau texte, présenté par le ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle, Abdelouahed Souheil, définit en fait les conditions de recrutement et de travail des employés de maison. La nouvelle loi vise surtout à définir la relation entre cette catégorie de salariés et leurs employeurs, pour leur assurer une protection sociale et les faire bénéficier des droits économiques et sociaux. Plus précisément, le nouveau texte a surtout pour objectif de lutter contre l’emploi des jeunes filles de moins de 15 ans, et de criminaliser ce phénomène, souligne le communiqué du gouvernement.
C’est en 2006, sous la pression d’ONG, dont Human Rights watch, que le gouvernement marocain avait tenté une première fois d’interdire le travail des enfants. Yasmina Badou, alors secrétaire d’Etat chargée de la famille, de l’enfance et des personnes handicapées, avait indiqué que « le ministère de l’Emploi se penche, en coordination avec plusieurs départements ministériels concernés, sur l’élaboration d’un projet de loi portant sur l’interdiction du travail domestique des enfants’’. Pour elle, il était nécessaire ‘’d’instituer une loi pour rendre justice aux filles domestiques« , ajoutant, lors d’une intervention devant le parlement le 5 janvier 2006, que le projet de loi devait comprendre des mesures coercitives à l’égard des employeurs et des intermédiaires. Cette réaction, tardive selon des ONG marocaines de défense des enfants, intervenait à la suite d’un rapport accablant de HRW.
La pression des ONG
Selon le rapport 2005 de ‘’HRW’’, le travail des enfants constituait ‘’un fléau social’’ au Maroc, où est enregistré ‘’l’un des taux les plus élevés de travail des enfants’’ dans la région MENA. HRW notait alors que le Maroc possédait l’un des taux les plus bas de scolarisation des enfants travailleurs, et mettait à l’index le gouvernement pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour lutter contre ce phénomène en constante progression dans un pays où la pauvreté touchait un foyer sur trois. « Le gouvernement a mis peu d’ardeur à combattre les pires formes d’exploitation des enfants employés comme domestiques’’, dénonçait ‘’HRW’’.
En général, les enfants, surtout les petites filles entre 6 et 10 ans, sont envoyées par leurs parents, vivant à la campagne, dans des maisons de riches citadins comme travailleurs domestiques. Mal payés, mal nourris, mal logés, ils endurent également les pires sévices, selon des associations marocaines, dont l’AMDH de Khadidja Ryadhi. Pire, la majorité de ces petites filles qui travaillent parfois jusqu’à 18 heures par jour, n’ont pas de congé pour aller voir leurs parents à la campagne, sont généralement réprimandées, battues et insultées, et cinq pour cent d’entre elles ont déclaré avoir subi des abus sexuels de leurs employeurs.
A la base, la pauvreté
Quant aux garçons, s’ils ne sont pas exploités dans les ateliers et les exploitations agricoles, ils errent dans les grandes villes et les ports du pays à la recherche du moindre dirham pour manger à leur faim. Auteur d’un livre sur ‘’les petites bonnes’’ marocaines, exploitation de l’innocence, Chakib Guessous estime que ‘’les raisons qui poussent généralement les familles des zones rurales à vendre leurs filles parfois pour moins de 200 dirhams par mois, sont généralement le résultat d’une extrême pauvreté’’. ‘’Ces gens qui vivent avec moins d’un dollar par jour, peuvent aller aux pires extrémités pour résoudre leur précaire situation sociale’’, ajoute-t-il.
Par ailleurs, avec le développement des NTIC, des agences de location et de recrutement de petites bonnes et de services domestiques sont proposés, »à la carte », avec toutes les dérives que cela comporte.
SOURCE : http://www.maghrebemergent.com