INCENDO
Sur le rapport entre genres & classes. Revue de presse & textes inédits
Inde, Pakistan : Féminisation et « modernisation » de la vie politique

Féminisation et « modernisation » de la vie politique : Quelques commentaires à partir des cas de l’Inde et du Pakistan, par Virginie Dutoya, Univ. de Tours.

 

L’adjectif « paradoxal » est souvent utilisé pour qualifier la position des femmes dans la vie publique des États de l’Asie du sud. Il serait ainsi paradoxal que l’Inde ait été dirigée par une femme dès les années 1960 et le Pakistan dès les années 1980, devançant bien des pays d’Europe. Cette « avance » sud-asiatique surprend car l’égalité des sexes semble être dans ces pays un objectif encore lointain, comme en témoigne le ratio hommes/femmes toujours déclinant en faveur des hommes et les affaires de violences contre les femmes. Nonobstant les amalgames et préjugés sur lesquels repose cet étonnement, il n’en reste pas moins intriguant que, malgré la faible représentation politique des femmes, Indira Gandhi en Inde et Benazir Bhutto au Pakistan aient pu prendre la tête de leur parti et de leur pays. Le paradoxe a souvent été résolu en arguant de l’exceptionnalité de ces figures. Filles de Premiers ministres (respectivement de Jawaharlal Nehru et de Zulfiqar Ali Bhutto), elles ne devraient leur accès au pouvoir qu’au poids des logiques familiales et dynastiques.

Toutefois, depuis une vingtaine d’années, les femmes sont activement encouragées à s’engager politiquement. En Inde, l’introduction en 1992 d’un quota de 33% de femmes dans les institutions locales a considérablement féminisé le jeu politique local. Une mesure similaire a été mise en place en 2000 au Pakistan, suivie en 2002 d’un quota de 17% des sièges au sein des assemblées législatives. Un projet de quota au sein des assemblées législatives indiennes est aussi en discussion au Parlement depuis 1996, mais n’a toujours pas été voté. Mais, même en l’absence de quotas, le nombre de femmes parlementaires augmente de façon régulière et a dépassé la barre des 10% aux dernières élections (en 2009). Par ailleurs, en Inde comme au Pakistan, l’augmentation de la participation politique des femmes est présentée comme un phénomène positif, signe de « modernisation » sociale et de démocratisation. Il faut toutefois se garder de voir dans ces discours une « découverte » récente de l’importance de l’égalité entre les sexes. En effet, la préoccupation pour la représentation politique des femmes est ancienne sur le sous-continent, et pour exceptionnelles qu’elles soient, les ascensions de Benazir Bhutto et Indira Gandhi ne sont sans doute pas si paradoxales. De même, les politiques de quota qui existent dans les deux pays sont autant le résultat des pratiques britanniques de gestion des colonisés que de l’idéal égalitaire. Il convient donc de repenser l’histoire de la féminisation de la vie politique comme une marche vers la démocratie et la « modernité ».

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