INCENDO
Sur le rapport entre genres & classes. Revue de presse & textes inédits
Egypte : Endettement et prison pour les femmes paupérisées

Par Dina Bakr

«Je n’ai pu rembourser un emprunt que j’avais contracté pour une somme de 16’000 L.E. [2028 CHF] et que je devais rembourser sous forme de traites. J’ai été condamnée à 22 ans de prison.» Le cas d’Asmaa, 35 ans, originaire de Mallawi [dans le gouvernorat de Minya, dans la Haute-Egypte], n’est pas rare, bien que relativement inconnu du grand public en Egypte.

Comme beaucoup de femmes, Asmaa, faisant partie de cette population pauvre, qui s’est endettée pour faire face aux besoins de la vie quotidienne, n’a pu rembourser et a été jetée en prison. L’ex-époux d’Asmaa travaillait dans une station-service et touchait un salaire médiocre.

Mère de trois filles en bas âge, peu qualifiée, Asmaa a voulu se lancer dans le commerce. Sans formation, elle a commis des erreurs. Elle a acheté un stock de vêtements à crédit et a voulu le revendre. Mais certains clients ne l’ont jamais payée et elle s’est retrouvée dans l’impossibilité de rembourser sa dette initiale.

«C’est comme un cauchemar, raconte-t-elle, choquée. Je pensais que ce travail allait me permettre de nourrir mes trois filles, mais maintenant que je suis en prison, j’ai peur qu’elles ne meurent de faim et manquent de soins.» Pis, son mari a décidé de divorcer un an après son incarcération sous prétexte qu’elle était emprisonnée avec des assassins et des voleurs. Ce n’est qu’après trois ans de prison que l’Association de protection des enfants des prisonnières lui a porté secours.

«Ils ont réglé ma dette et j’ai pu enfin retrouver mes enfants», confie Asmaa, qui a quitté pour toujours sa ville natale en Haute-Egypte et vit aujourd’hui dans la banlieue de Kerdassa, près de Guiza. Aujourd’hui, la vie de cette jeune maman a changé.

L’association lui a permis de monter un microprojet de vente de pâtisseries à domicile et lui apporte une aide financière mensuelle lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille.

En raison de l’ampleur du problème – les femmes incarcérées pour défaut de remboursement de dette – il existe aujourd’hui de nombreuses associations spécialisées dans la prise en charge des mamans en détention.

Le phénomène des gharemines n’est pas nouveau, mais grâce à la solidarité sociale, ces cas passaient autrefois inaperçus. Or, ces dernières années, la crise économique a remis en cause l’aide apportée aux plus pauvres par ceux qui ont davantage de moyens financiers.

«La plupart des femmes que nous avons aidées ont acheté des marchandises à crédit et ont signé des traites pour rembourser leur dette, avec bien entendu un taux d’intérêt. Incapables de rembourser, elles ont été condamnées à une peine de prison», explique Nawal Moustapha, journaliste et présidente de l’Association de la protection des enfants des prisonnières.

L’association créée par Nawal Moustapha est la première à s’être intéressée au problème des gharemines. «Mon association, qui a 20 ans, a été fondée au départ pour prendre soin des enfants de moins de 2 ans qui vivent en prison avec leur maman, se rappelle Moustapha. Mais un jour, nous avons rencontré Omaïma, une détenue, et son histoire nous a poussés à prendre en charge aussi les femmes et à contribuer à leur réinsertion.»

Incarcérée parce qu’elle s’était portée garante d’un chèque de 8500 L.E. [1098 CHF] signé par son père, elle s’est retrouvée en prison parce que celui-ci n’a pu payer la somme avant son décès et qu’elle non plus n’a pu s’en acquitter après sa disparition. «Ce drame m’a poussée à enquêter sur la possibilité de faire sortir de prison ces femmes une fois leur dette remboursée, poursuit la journaliste. Du point de vue juridique, j’ai découvert que c’était possible.» En 2007, Omaïma a été la première à être libérée. Elle est sortie de prison au bout de 6 mois grâce à l’association qui s’est chargée de rembourser sa dette.

 

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