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75% des femmes cadres insatisfaites de leur rémunération
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75% des femmes cadres ne sont pas satisfaites de leur rémunération

Le réseau European Professional Women’s Network publie une étude sur le rapport de ses adhérentes avec l’argent. Sur un pied d’égalité à la maison, ces cadres dynamiques et diplômées disent subir l’inégalité homme/femme au travail, notamment face à l’augmentation de salaire.

Indépendante à la maison, complexée au travail. C’est, résumé, le portrait de 823 femmes européennes membres de l’European Professional Women’s Network sur leur relation à l’argent, prélude à un Think Tank Women & Money. L’EPWN fédère 19 réseaux de femmes dans 17 pays européens (3.500 membres) et plus de 800 adhérentes ont accepté de répondre à un questionnaire pour partager leurs expériences et leurs difficultés dans leur rapport à l’argent, à domicile, mais aussi au travail. Une population pas vraiment représentative des femmes françaises, même si cette enquête ne manque pas d’intérêt. Ces femmes, « globalement privilégiées, tant par leur bagage scolaire que professionnel  », ont en moyenne 42 ans, vivent en couple (à 71%), ont deux enfants et un bac+5 (à 71%). Près de 9 sur 10 travaillent d’ailleurs à temps plein (14 à temps partiel, soit deux fois moins que pour l’ensemble des femmes européennes). Elles sont même 52% (de celles qui vivent en couple) à déclarer être « madame gagne-pain », en ayant le salaire le plus élevé du couple. « Les interviewées représentent donc une population très impliquée et active aussi bien sur le plan professionnel que personnel, assumant des charges économiques importantes, que ce soit dans leur travail ou dans leur couple », notent les auteurs de l’enquête.

Elles ont gagné en indépendance dans leur vie de couple. « Pour elles, le travail c’est d’abord et avant tout l’indépendance (74%), puis une opportunité de développement (62%) et une nécessité pour la vie propre (56 %) », peut-on lire dans le compte-rendu de l’enquête. L’époque où elles ne pouvaient pas ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur conjoint semble d’ailleurs bien révolue (pour rappel, la loi leur permettant de le faire ne date que de 1965). « Elles sont très engagées dans leurs finances personnelles », constate l’EPWN. « 91% connaissent le montant de leurs impôts, 90% connaissent leurs revenus annuels (salaire fixe, variable, bonus… ) à 5.000 euros près, 90% possèdent des biens en propre et 71% partagent un compte commun pour les dépenses du ménage. »

Insatisfaites de leur rémunération

Mais c’est une fois franchi le seuil de la maison que le bât blesse. Indépendante et souvent sur un pied d’égalité à la maison (en matière de finance), ces femmes sont, selon cette enquête, victimes du « complexe de la bonne élève » au bureau. Elles ne sont d’abord que 37% à penser que les femmes et les hommes sont traités de façon égale dans leur entreprise et ce pourcentage tombe même à 29% pour les françaises. Les hommes sont favorisés en termes de management de carrière (60%), d’augmentation de salaire (61%) et d’avancement de carrière (76%). Les femmes se sentent seulement mieux considérées en matière d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, constatent, en soulignant l’ironie de la chose, les auteurs de l’enquête. Conséquence, 75% de ces femmes, cadres supérieures, gagnant en général bien leur vie, se déclarent insatisfaites de leur rémunération.

Complexe de la bonne élève

Mais dans le même temps, la plupart indique éprouver les pires difficultés au moment de discuter salaire avec leur supérieur(e) hiérarchique. En France, seulement 43% des femmes interrogées reconnaissent ne pas se sentir armées pour une négociation salariale, notamment au moment de l’entretien individuel, qu’elles préparent pourtant avec application (dans 73% des cas). La conclusion, brutale, est la suivante : 66% des répondantes européennes ne demandent pas habituellement d’augmentation de salaire et préfèrent (à 44%) que leur manager reconnaisse de lui-même les efforts fournis… Ce nombre grimpe même à 51 % en France. C’est ce que l’EPWN appelle le complexe de la bonne élève : « je travaille bien à l’école, je fais bien mon travail dans mon entreprise, j’attends qu’on remarque mes efforts et qu’on me félicite par une augmentation. En parallèle de la méritocratie scolaire dont elles ont bénéficié, elles ont foi en une méritocratie professionnelle qui n’existe finalement pas à la hauteur de leurs espérances ». L’enquête montre toutefois que 65% des répondantes ont bénéficié d’une augmentation de salaire au cours des 12 derniers mois.

« N’est-il pas temps pour les femmes de se réveiller ? », s’interrogent les auteurs de l’étude qui regrette l’asymétrie entre l’espace privé et l’espace public. «  Les femmes historiquement assignées à la sphère privée s’y sentent à l’aise pour maîtriser l’argent personnel et familial. La sphère professionnelle publique reste un espace qui ne leur laisse pas encore les clés de l’émancipation financière individuelle ». Pour cette fédération de femmes européennes, « revoir les process RH pour en neutraliser les effets discriminants en terme de développement de carrière et de rémunération reste plus que jamais d’actualité », d’autant que l’enquête ne tient pas compte de la situation des femmes « qui n’ont pas eu la même chance de développement scolaire et professionnel ».

 

SOURCE  : Les Echos, 4 novembre 2013

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