Le rapport de l’économiste Séverine Lemière remis à Najat Vallaud-Belkacem montre comment la fiscalité française dissuade le travail féminin. Il plaide pour une individualisation de l’impôt sur le revenu.
« Le marché du travail est aujourd’hui marqué par les inégalités entre femmes et hommes et les politiques publiques actuelles ne les corrigent pas. » Pis, « nombreuses sont les politiques publiques venant reproduire voire alimenter [les] freins » à l’accès des femmes à des emplois de qualité. Le rapport sur l’emploi des femmes, commandé par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, à l’économiste Séverine Lemière, jette un pavé dans la mare.
Fixer des objectifs « chiffrés et sexués »
A trop se concentrer sur les questions d’égalité professionnelle et de lutte contre les discriminations une fois dans l’emploi, la question clef de « l’accès à l’emploi, notamment des femmes les plus éloignées du marché du travail, semble avoir été oublié », estime-t-il. « Il ne faudrait pas que les femmes diplômées et bien insérées sur le marché du travail cachent les femmes moins qualifiées, reléguées dans des emplois de mauvaise qualité, contraintes au sous-emploi ou à l’inactivité », insiste-t-il, concluant à « l’urgence de corriger l’apparente neutralité des politiques publiques ».
Premières accusées, les politiques de l’emploi sont appelées à passer à la vitesse supérieure en fixant des objectifs « chiffrés et sexués » dans les contrats aidés, en revalorisant les métiers à prédominance féminine et en y développant les contrats aidés marchands et l’apprentissage, en instaurant des modes de garde pour les parents au chômage ou encore en fixant « un objectif de parité dans l’obligation d’emploi des personnes handicapées ».
Réformer le quotient conjugal
Mais les propositions les plus détonantes sont celles conduisant à une vaste refonte de l’impôt sur le revenu et, par extension, des aides aux travailleurs pauvres (RSA, PPE). S’appuyant sur les conclusions du rapport, Najat Vallaud-Belkacem plaide notamment pour une révision de l’un des fondements de la fiscalité des ménages : la conjugalisation de l’impôt. Actuellement, la somme des revenus du couple est divisée par deux, puis le barème s’applique à chacune des moitiés. Ce quotient permet de réduire fortement l’impôt des couples dont l’un des membres – le plus souvent l’épouse – ne travaille pas. Son effet est en outre d’autant plus fort que la rémunération principale est élevée, car il n’est pas plafonné.
En réduisant l’imposition du couple, le quotient conjugal augmente le taux marginal d’imposition du conjoint inactif. L’OCDE souligne que, en France, le poids des impôts est d’environ 5 points supérieur pour le deuxième apporteur de ressources d’un ménage que pour un célibataire (mesuré en comparant le salaire brut avec le net après impôt). L’écart atteint 10 points pour les femmes qui ont deux enfants.
L’une des pistes, explosive, consisterait à moduler le quotient pour favoriser les couples biactifs ou au contraire pour réduire les avantages des couples monoactifs, à défaut d’une réelle « individualisation » de l’impôt. Autre possibilité : plafonner l’avantage du quotient conjugal, comme pour le quotient familial. Il va sans dire que le terrain est glissant pour le gouvernement.
SOURCE : Les Echos