INCENDO
Sur le rapport entre genres & classes. Revue de presse & textes inédits
À propos de Caliban et la Sorcière

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À propos du livre de Silvia Federici : « Caliban et la Sorcière »

À l’occasion de la publication en français de son livre, Antoine Artous discute de façon critique des analyses de Silvia Federici sur « l’esclavage et l’anéantissement des femmes » qui seraient portés par l’accumulation primitive et la période de transition du féodalisme au capitalisme.

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En guise de conclusion 

L’avènement du capitalisme s’est traduit par une réorganisation profonde des rapports sociaux de sexe, à cause notamment du « désencastrement » des rapports de parenté d’avec les rapports de production. L’émergence de la famille moderne découpe alors le foyer privé, comme nouvel espace social historiquement inédit et porteur d’une nouvelle division sexuée du travail, via une nouvelle figure de la femme : la femme au foyer. Après une brève et massive prolétarisation des femmes (et des enfants) – dans les conditions que l’on sait –, cette nouvelle famille va se construire dans les classes ouvrières européennes à partir de la fin du XIXè siècle. Et, lorsque, dans un second temps, les femmes vont connaître un processus de prolétarisation, il se réalise sur la base de cette oppression spécifique.

Il est donc nécessaire de porter un regard critique sur certaines analyses de la tradition marxiste qui, à la suite d’Engels, laissent croire que le développement de la prolétarisation des femmes porte, en soi, une dynamique d’émancipation ; en effet les femmes sont salariées en tant que femmes comme groupe social d’abord défini par la figure de la femme au foyer. Ce regard critique a été développé dès les années 1980 par des courants féministes marxistes, dans la foulée des poussées féministes des années 1960-1970. Silvia Federici, d’ailleurs, y fait référence et se situe elle-même dans la tradition de l’ « opéraïsme ». Sa particularité était de faire  de la famille une « usine sociale », produisant de la force de travail au profit du capital. Elle revendiquait alors pour les femmes, non pas le droit au travail et le développement de services sociaux, mais un salaire ménager. Outre cette dimension toujours présente (et en fait surdéterminante de l’approche), on a vu que ce livre posait un double problème, tant historique que théorique, lié à l’analyse des rapports de production capitalistes.

Tout d’abord, l’auteure décrit un procès historique très linéaire d’enfermement des femmes dans la production de la force de travail, qui commencerait au XVIè siècle et, sans scansion ni rupture, déboucherait à la fin du XIXè siècle. Or, historiquement, la famille moderne ( « capitaliste ») ne commence à émerger qu’au XVIIIè siècle pour se construire seulement à la fin du siècle suivant dans la classe ouvrière. Ensuite, l’auteure gomme la dimension contradictoire du procès historique. Si la « privatisation » de la famille introduite par le capitalisme se traduit parfois par un recul de leur statut social, la famille moderne permet aussi une individualisation des relations homme/femme. Et si le salariat moderne est le cadre à travers lequel fonctionne l’exploitation capitaliste, ses contradictions dessinent une problématique d’émancipation possible qui, pour la première fois dans l’histoire, fait référence à l’égalité homme/femme sans hiérarchisation en fonction de statuts différenciés.

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L’article en intégralité sur le site www.contretemps.eu

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