Sur le nouveau blog de Claude Guillon « Lignes de force » :
ÉROS ET CLASSES SOCIALES : ÉCULONS LES PONCIFS!
Échanges avec Agnès Giard (2009)
Je reproduis ci-dessous les éléments d’une correspondance avec Agnès Giard, journaliste animatrice du blog « Les 400 culs » sur le site du journal Libération, les questions qu’elle m’a posées, les réponses envoyées par moi, et la citation qu’elle en a faite sur son blog.
Premier courriel d’A. Giard
Le 21 décembre 2008 14:43, Agnès Giard a écrit :
Cher Claude,
Ça y est ! Profitant d’un moment de répit, j’ai commencé à lire Je chante le corps critique.
Le chapitre sur la mécanique des femmes m’a complètement transportée et je lui consacrerai un article à part entière, en vous citant d’abondance car il est impossible de vous rendre hommage avec autant de talent.
En revanche, le chapitre sur le queer m’a un peu troublée. Je n’ai pas compris votre position.
Accepteriez-vous de répondre à quelques questions, car je projette de faire un autre article sur votre livre en traitant ce point particulier…
Voici mes questions, si vous avez le temps d’y répondre :
1/ Vous associez le mouvement queer au carnaval. Vous rappelez que le carnaval sert — traditionnellement — de fête défoulatoire, cathartique, qui ne renverse l’ordre social (marqué par les inégalités) que le temps d’une journée. Le carnaval n’est subversif qu’en apparence. Le carnaval ne fait qu’entériner les inégalités… Le mouvement queer, ce serait la même chose : il ne ferait que renforcer les différences homme-femme et la discrimination qui frappe les travs, les trans, les homos et les femmes ?
2/ Est-ce que pour vous, les queer — ces hommes et ces femmes qui bidouillent leur corps ou se travestissent (“drag kings, gouines-garous, femmes à barbe, trans-pédés sans bites, handi-cyborgs”) — sont juste des freaks, des “monstres” de cirque ? Vous semblez les mettre dans le même panier.
3/ Vous faites allusion à la démocratisation (relative) des comportements sexuels hors-norme (SM, échangisme, travestissement, bisexualité, transsexualité, etc.) : « la démocratisation et la banalisation de ce carnaval potentialisent-elles ses effets ? ». Je n’ai pas très bien compris cette phrase.
4/ Vous semblez opter pour l’autre théorie : « Cette débauche d’énergie carnavalesque conserve sa fonction d’exutoire et par là même d’entretien de l’ordre social dont elle met en scène la subversion ou l’inversion ». Pensez-vous que nous ne sommes pas un peu plus libres, libérés, qu’à l’époque où les homos et les femmes en pantalon se faisaient mettre en prison ?
5/ Cette liberté sexuelle plus grande ne semble pas vous plaire… Pourquoi?
J’espère que vous pardonnerez la naïveté de mes questions.
Il y a bien sûr beaucoup de travers dans notre société actuelle et je suis la dernière à penser que nous vivons une ère de liberté totale, mais il me semblait du moins qu’il y avait des choses intéressantes dans la notion de « jeu » proposé par le mouvement queer.
Aussi votre avis m’importe-t-il beaucoup pour y voir plus clair.