INCENDO
Sur le rapport entre genres & classes. Revue de presse & textes inédits
Rojava : féminisme martial
Categories: Guerre, Monde : MOAN

blade runner (5)

Extrait du site DDT21 :

Soldates

      Il suffirait de changer les noms. Beaucoup de louanges adressées aujourd’hui à Rojava, y compris sur la question du genre, étaient adressées vers 1930 aux groupes de pionniers sionistes en Palestine. Dans les premiers kibboutz, outre l’idéologie souvent progressiste et socialiste, c’étaient les conditions matérielles (précarité et nécessité de se défendre) qui obligeaient à ne pas se priver de la moitié de la force de travail : les femmes devaient participer elles aussi aux activités agricoles et à la défense, ce qui impliquait de les libérer des tâches « féminines », notamment par l’élevage collectif des enfants.

Aucune trace de cela au Rojava. L’armement des femmes ne fait pas tout (Tsahal le montre bien). Z. Baher témoigne : « j’ai fait une curieuse observation : je n’ai pas vu une seule femme travaillant dans un magasin, une station-service, un marché, un café ou un restaurant. » Les camps de réfugiés « autogérés » en Turquie sont remplis de femmes s’occupant des gamins pendant que les hommes vont chercher du boulot.

Le caractère subversif d’un mouvement ou d’une organisation ne se mesure pas au nombre de femmes en arme. Son caractère féministe non plus. Depuis les années 60, sur tous les continents, la plupart des guérillas ont comporté ou comportent de très nombreuses combattantes, en Colombie par exemple. C’est encore plus vrai dans les guérillas d’inspiration maoïste (Népal, Pérou, Philippines, etc.) appliquant la stratégie de « Guerre populaire » : l’égalité hommes/femmes doit contribuer à mettre à bas les cadres traditionnels, féodaux ou tribaux (toujours patriarcaux). C’est bien dans les origines maoïstes du PKK-PYD que se trouve la source de ce que les spécialistes qualifient de « féminisme martial ».

Mais pourquoi les femmes en armes passe-t-elle pour un symbole d’émancipation ? Pourquoi y voit-on si facilement une image de liberté, jusqu’à en oublier pour quoi elles combattent ?

     Si une femme armée d’un lance-roquettes peut figurer en couverture du Parisien-Magazine ou d’un journal militant, c’est qu’elle est une figure classique. Le monopole de l’usage des armes étant un privilège masculin traditionnel, son renversement doit prouver l’exceptionnalité et la radicalité d’un combat ou d’une guerre. D’où les photos de belles miliciennes espagnoles. La révolution est au bout de la Kalachnikov… tenue par une femme. A cette vision s’ajoute parfois celle, plus « féministe », de la femme armée vindicative, qui va flinguer les sales mecs, les violeurs, etc.

A noter que l’EI et le régime de Damas ont constitué quelques unités militaires entièrement féminines. Mais ne critiquant pas la distinction de genre, ils ne semblent pas, contrairement aux YPJ-YPG, en faire usage en première ligne, et les cantonnent dans des missions de soutien ou de police.

SOURCE : Douter de tout DDT21

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