Parmi les générations d’avant-guerre, la poursuite de longues études condamnait les femmes au célibat. De nos jours, la femme est plus souvent le détenteur du plus haut diplôme au sein du couple. C’est ce que le sociologue Milan Bouchet-Valat de l’Ined appelle l’inversion de l’hypergamie de diplôme, dans un article paru début avril dans la revue Population. Son équipe est arrivée à ce constat en analysant les données de l’enquête «étude de l’histoire familiale 1999» et d’autres études sur les générations plus récentes. Voici ce qu’il en ressort.

Les femmes diplômées sont moins célibataires

Depuis la génération née en 1950, les femmes diplômées ont autant de chances de vivre en couple que les moins diplômées. Même si pour les «super diplômées» de deuxième et troisième cycles du supérieur, le rattrapage n’est arrivé que dans les années 60. Pour les femmes moins diplômées, les chercheurs ont observé la tendance inverse. En 2008, les femmes cadres trentenaires vivaient plus souvent en couple que les ouvrières et les employées, alors que c’était l’inverse en 1990. L’élévation du niveau de diplôme ne condamne donc plus les femmes au célibat.

Bouleversement du «marché conjugal»

Les diplômées étaient peu nombreuses avant-guerre. En France, les femmes de 25 à 64 ans sont aujourd’hui plus diplômées que les hommes, selon la dernière étude de l’OCDE sur le sujet. Leurs chances d’être en couple ont beau avoir augmenté, 20% à 25% des femmes diplômées du supérieur des générations récentes restent célibataires.

.Le marché conjugal a évolué mais le «modèle genré» du couple persiste. Les hommes non diplômés sont eux plus souvent célibataires, ce qui montre que le statut social de l’homme reste plus important que celui de sa conjointe.

Une histoire de calendrier

Il n’y a plus l’incompatibilité d’avant-guerre entre la poursuite des études et la mise en couple, ou, pour reprendre les mots du sociologue de François de Singly en 1987, «un défaut d’articulation entre le calendrier de la formation de la dot scolaire et le calendrier de présentation sur le marché du mariage».

Malgré cette évolution de l’hypergamie féminine, les femmes ont encore du chemin à parcourir. L’auteur relativise ce progrès en concluant sur les inégalités de carrière : «L’augmentation du niveau d’éducation des femmes n’a pas permis de leur garantir des carrières égales à celle des hommes […], ni de modifier profondément la répartition du travail domestique.»

SOURCE : Libération