INCENDO
Sur le rapport entre genres & classes. Revue de presse & textes inédits
Études de genre à la fac
Categories: Débats & Critiques

Dorothea Lange 1895 1965 (6)À l’université, les études de genre s’affichent

Les études de genre profitent d’une nouvelle dynamique et se diffusent à l’université, où plusieurs masters ouvrent en 2016-2017. Un domaine interdisciplinaire qui gagne en reconnaissance, malgré des polémiques récurrentes. Le point à l’occasion de la conférence européenne sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur et la recherche, qui se tient jusqu’au 14 septembre à Paris.

« Depuis quelques années, il y a un élan dans le développement des études de genre à l’université. De nouvelles formations sont lancées à la rentrée 2016, comme le master étude sur le genre : médiations, cultures, langues à Bordeaux », cite Hélène Marquié, responsable du master études sur le genre de Paris 8. Un master EGAL-APS (Égalité dans et par les pratiques physiques et sportives) est aussi créé à Lyon 1.Pour l’instant, l’offre en formation initiale sur cette thématique est constituée d’une dizaine de masters. Environ 500 étudiants ont opté pour l’un d’entre eux, mais bien plus se portent candidats. D’autres choisissent de suivre une UE (unité d’enseignement) seulement au cours de leur cursus.

une demande de la société et des entreprises

Même si les études de genre suscitent encore des réticences au sein même de la communauté universitaire – « mes collègues sont divisés, certains n’en voient pas l’intérêt », rapporte ainsi Yves Raibaud, chargé de l’égalité femme-homme à l’université de Bordeaux-Montaigne –, la création de nouvelles formations témoigne d’une nouvelle dynamique.

« Le mouvement de La Manif pour tous, avec les fantasmes autour de la théorie du genre, nous a fait beaucoup de publicité », ironise Yannick Chevalier, vice-président en charge de l’égalité et de la vie citoyenne à Lyon 2. « Les étudiants sont souvent motivés par un intérêt politique, militant ou scientifique sur les rapports sociaux », ajoute-t-il.

Pour Yves Raibaud, cette demande sociale colle avec celle des entreprises : « Les études de genre ont aussi bénéficié du contexte institutionnel avec une série de lois sur l’égalité. » De plus en plus incitées, voire contraintes, à mener des actions sur ce sujet, institutions et entreprises créent des postes dédiés à cette question.

« Le master Étude sur le genre : territoires, action publique, en alternance, qui ouvrira à la rentrée 2017, répond à cette attente des collectivités territoriales, car elles manquent de personnels formés », précise Yves Raibaud.

Une mention « études de genre »

Ces attentes se concrétisent même au travers d’une forme de reconnaissance institutionnelle, avec la nouvelle nomenclature des diplômes. Établie en février 2014, elle permet, à la rentrée 2016, aux masters d’afficher la mention « études sur le genre ». Jusque-là, ces formations étaient rassemblées sous la bannière de disciplines comme la sociologie ou l’histoire. Cette nouvelle appellation permet à de nouveaux masters d’émerger, en parallèle ou en continuité de ceux déjà existants.

Si des formations dédiées existent, les études de genre sont aussi et surtout, pour l’instant, plutôt disséminés entre différents cursus (sociologie, histoire, art, littérature…), dans des UE souvent optionnelles. Une caractéristique transversale, qui s’explique par leur origine.

Les études sur le genre sont arrivées en France après mai 1968 et la naissance du MLF (Mouvement de libération des femmes), ce qui coïncide également avec la féminisation du corps professoral universitaire. « Les enseignantes-chercheuses étaient peu nombreuses et reléguées au bas de l’échelle. Elles se sont rassemblées stratégiquement pour être plus fortes ensemble. Par conséquent, ces groupes étaient interdisciplinaires », détaille Sylvie Chaperon, professeure d’histoire à Toulouse 2.

Cette sororité a rendu interdisciplinaires, dès le départ, les études « féminines », « féministes », puis « de genre ». Pour l’enseignante de Toulouse 2 c’est aussi parce que « les effets de la dominance masculine sont transversaux et concernent tous les domaines de notre société (droit, politique, associations, sexualité…). »

C’est l’une des raisons pour lesquels l’université de Toulouse 2 a créé en 2015, avec le soutien de l’Idex, le réseau Arpège, dont Sylvie Chaperon est responsable : « Nous maintenons l’interdisciplinarité des études féministes, en mutualisant les recherches et les enseignements à l’échelle du site toulousain. »

Le réseau de 14 masters en sciences humaines et sociales permet aux étudiants qui le choisissent d’avoir accès à un panel de cours sur les études de genre. Ils doivent suivre trois UE par an pour obtenir le label Arpège, supplément à leur diplôme.

un gisement de milliers d’emplois ?

Quant aux débouchés, Yves Raibaud se montre confiant : « Quelques centaines, voire milliers d’emplois vont se créer dans les prochaines années dans le domaine de l’égalité femme-homme. » Les jeunes diplômés deviendront chargés de mission dans une entreprise, un conseil régional, une association, ou encore dans une université.

« Les études de genre sont une spécialisation que l’on peut faire valoir dans d’autres domaines, comme le journalisme, la culture, les ressources humaines, ou encore la recherche », souligne Sylvie Chaperon. Certains étudiants vont même jusqu’à faire deux masters, pour s’inscrire dans cette démarche. Les études de genre ont de l’avenir…

SOURCE : www.letudiant.fr

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