Israël : bientôt des femmes pour conduire les chars de Tsahal ?
Le projet de l’armée israélienne d’ouvrir le corps des blindés aux femmes provoque une levée de boucliers au sein de l’establishment rabbinique.
Ouvrir le corps des blindés aux femmes. On aurait pu penser que cette dernière initiative examinée actuellement par l’armée n’aurait fâché personne. C’était sans compter sur l’establishment rabbinique, pour qui l’idée que des femmes et des hommes puissent se retrouver ensemble aux commandes d’un char est plus qu’une hérésie… une profanation de l’orthodoxie juive. À combattre donc sans répit.
« Un petit tankiste apparaîtrait neuf mois plus tard »
S’appuyant sur des commentaires talmudiques, Yitzhak Yossef, le grand rabbin sépharade, juge que les femmes ne doivent pas s’engager dans l’armée. « Ce n’est pas la voie de la Torah, explique-t-il. Et même si, parfois, dans l’histoire juive l’ordre a été donné aux femmes de faire la guerre, ce qui leur était permis, c’était de faire la cuisine et la lessive pour les hommes qui se battaient… »
Figure très influente chez les « sionistes religieux » qui fournissent un contingent de plus en plus important de soldats pratiquants dans les unités d’infanterie, le rabbin Tau est surtout préoccupé par le côté impudique de l’initiative. « Placer des femmes dans les tanks, c’est profaner la sainteté d’Israël… Ils sont devenus fous… Le chef d’état-major a été nommé pour tirer sur nos ennemis, pas pour changer la culture de ce pays… Forcer des soldats à agir contre la Torah ou ses croyances, ce n’est ni logique, ni juste, ni démocratique… » Ancien général-aumônier, le rabbin Israël Weiss est on ne peut plus clair. Le problème est d’ordre sexuel : « Si les hommes et les femmes sont amenés à servir dans le même char, un petit tankiste apparaîtrait neuf mois plus tard… »
« Le rôle d’une femme est d’être mère »
Enfin, à la question de savoir ce qu’un soldat doit faire si on lui ordonne de servir avec une femme, le rabbin Schlomo Aviner, un des gourous du mouvement des implantations, ne fait pas dans la demi-mesure : « C’est hors de question, répond-il. C’est comme si on lui donnait l’ordre de manger du porc. »
Mais les rabbins ne sont pas les seuls à avoir mal réagi. Il y a aussi ce général de réserve, Avigdor Kahalani, pour qui les chars ne sont pas des endroits pour les femmes : « Le rôle d’une femme est d’être une mère, de mettre des enfants au monde… » Grand héros de la guerre de Kippour, en octobre 1973, alors qu’il était commandant d’une brigade de blindés sur le Golan, il devait ajouter : « Après les traumatismes qu’une guerre peut causer, elle serait totalement différente. » En d’autres termes, elle ne pourrait plus être une femme, une mère comme les autres. Autre commentaire étonnant et qui a fait le buzz, celui de ce général de réserve affirmant : « Lorsque des soldates arrivent à la caserne, la vente de préservatifs augmente. » L’armée comme un grand lupanar… Reste que ces propos ont été vivement condamnés et ont valu à l’officier une volée de bois vert de la part des commandants de base.
De plus en plus de femmes dans les unités combattantes
En tout cas, de nombreux responsables militaires soutiennent l’intégration des femmes dans un maximum d’unités combattantes. Ancien commandant du front de l’intérieur, le général Gaby Ofir est un de ceux-là. Non seulement il ne voit rien qui puisse empêcher une soldate de servir dans un char, mais il est pour leur intégration dans un maximum d’unités combattantes : « À mon sens, dit-il, les femmes ne sont pas assez utilisées dans l’effort national de défense. Et pas de leur faute, mais du fait des idées préconçues chez certains officiers… »
Depuis quelques années, le nombre de soldates volontaires dans des unités combattantes est en augmentation constante. En 2015, on en a recensé 2 104, soit quatre fois plus qu’il y a cinq ans. Et cela devrait continuer. Car au-delà des blindés, l’armée examine d’autres options, comme l’arrivée des femmes dans les vedettes de protection des champs gaziers ou dans la prestigieuse unité de sauvetage de l’armée de l’air, 669.
Le plafond de verre se fissure
Si les sous-marins sont toujours fermés aux soldates, surtout pour cause de promiscuité incompatible avec la culture du pays, l’unité des drones tactiques qui appartient à l’artillerie recrute depuis deux ans des soldates. Là, pour parer aux différences physiques, des solutions ont été trouvées, comme un système spécial de lancer les drones. Dans les rangs des officiers, on assiste également à un processus similaire. On commence à trouver quelques femmes à la tête d’unités prestigieuses. En parallèle, le nombre de soldates remplissant des rôles administratifs a diminué au point de ne plus représenter, pour l’année 2016, que 7 % des recrues.
Alors le plafond de verre militaire est-il en train de s’effondrer ? « On n’en est pas encore là, explique une femme officier. C’est un long processus, mais nous sommes beaucoup plus avancés qu’il y a dix ans, sans parler des premières années de Tsahal. À mes yeux, le plafond de verre a commencé à se fissurer… » N’en déplaise aux rabbins !